Affaire Dmitriev: le procès sera-t-il équitable?

Affaire Dmitriev: le procès sera-t-il équitable?

Iouri Dmitriev est amené au palais de justice. Petrozavodsk, 22 juillet 2020. Photo de Daria Krotova.

Le 29 septembre 2020 à 10h00, devant la Cour suprême de la République de Carélie aura lieu la troisième audience en appelons l’affaire Dmitriev. Les experts nommés par le tribunal présenteront les résultats d’une nouvelle analyse des photographies figurant au dossier. Une procédure aussi longue devant un tribunal de deuxième instance est un phénomène inhabituel, le plus souvent, l’examen des appels se déroulent en une seule journée d’audience.

Mais si ce procès est inhabituel, ce n’est pas seulement par sa durée. c’est aussi parce que tout espoir d’une décision juste y est annihilé depuis le début.

Le 28 septembre 2020, le journal Novaya Gazeta a publié une pétition publique pour le dépaysement de l’affaire Dmitriev de la Cour suprême de Carélie vers le tribunal d’une autre région de la Fédération de Russie. Iouri Dmitriev lui-même et son avocat Viktor Anoufriev ont déposé des requêtes officielles à ce sujet.

Les raisons de ne pas faire confiance au tribunal sont plus que suffisantes.

Le procès se déroule en l’absence d’un avocat de la défense.

Viktor Anoufriev (qui défend Dmitriev) est tombé malade à la veille de l’audience initialement prévue le 16 septembre 2020 et a déposé une requête pour reporter l’audience à une date postérieure au 28 septembre, date à laquelle il pourrait comparaître devant le tribunal, après l’expiration de la période de quarantaine.
Le tribunal a en fait reporté l’audience, mais seulement pour une semaine, fournissant à l’accusé un avocat commis d’office. Iouri Dmitriev n’était pas d’accord avec la nomination d’un nouvel avocat.
Le tribunal a ignoré son désaccord. Le nouvel avocat Artem Cherkasov n’avait que trois (!) pour se familiariser avec les dix-neuf volumes de l’affaire. Jusqu’à présent, il n’a jamais rencontré son client.

Iouri Dmitriev ne peut pas participer pleinement à son propre procès.


Il n’est pas autorisé à entrer dans le palais de justice: en raison de restrictions épidémiques, il participe à l’audience en visioconférence. La qualité sonore est très médiocre, Iouri Alekseevich n’entend pas la moitié de ce qui se dit dans la salle d’audience. A ses questions et demande de répéter ce qui a été dit, le juge répond par des menaces de l’exclure de l’audience. La requête de Dmitriev visant à être transporté au tribunal pour une participation directe aux audiences a été rejetée. La requête pour un examen médical avec un test auditif (probablement, c’est là une partie du problème) a de nouveau été rejetée par le tribunal.

Le droit de Dmitriev à un procès impartial et objectif n’est pas respecté.

Deux des trois juges participant à la procédure, dont Alla Rats, qui dirige le collège des juges, étaient déjà juges d’appel dans l’affaire Dmitriev et ont statué contre lui, indiquant ainsi leur position face à cette affaire. La requête en récusation de ces juges n’a cependant pas été reçue, de même que la requête de récusation du procureur, qui a régulièrement participé pendant deux ans aux audiences du tribunal de première instance, confirmant toujours les décisions d’accusation.

Le nouvel examen des photographies se fera à un niveau délibérément inférieur à celui sur la base duquel Iouri Dmitriev a été acquitté.


Les photographies ont servi de base pour incriminer Dmitriev sur deux points: sur la production et la distribution de pornographie (article 242.2, point « c », partie 2); d’actes lubriques (article 135; 135, partie 3). Sur les deux chefs d’accusation, Iouri Dmitriev a été acquitté à deux reprises devant le tribunal municipal de Petrozavodsk (en avril 2018, par la juge Marina Nosova; en juillet 2020, par le juge Alexander Merkov).

L’accusation était fondée sur l’expertise du Centre d’expertise socioculturelle de l’ANO (janvier 2017), où il a été conclu que neuf photos étaient de nature pornographique. L’incompétence des experts et l’analphabétisme de leur analyse ont été pleinement révélés au cours du procès grâce à l’implication par la défense de spécialistes – sexologues, psychologues, pédiatres, historiens de l’art. Un autre expertise, demandée au Département fédéral d’expertise judiciaire indépendante LLC (décembre 2017) a identifié les images comme des images de la vie quotidienne ne relevant en rien de la pornographie. Iouri Dmitriev lui-même a subi trois fois un examen clinique psychologique et psychiatrique (au Dispensaire républicain de psychoneurologie de Petrozavodsk (janvier 2017); au Centre V.P. Serbsky de psychiatrie sociale et légale de Moscou (janvier 2018); à l’hôpital psychiatrique No. 6 à Saint-Pétersbourg (juillet 2018)). Les conclusions des trois enquêtes coïncident: Iouri Alekseevich est en bonne santé mentale, aucune déviance de son comportement sexuel n’a été identifiée.

Le 22 septembre 2020, le tribunal a ordonné un nouvel examen des photographies confié à une organisation d’experts de Petrozavodsk dont le nom n’a pas été rendu public. Les résultats de cette expertise devraient être présentés au tribunal le 29 septembre. Il est à noter que les experts n’ont eu que 4 jours ouvrables pour effectuer leur travail. A titre de comparaison: les employés de LLC « Département fédéral d’examen médico-légal indépendant » ont travaillé pendant plus de trois mois avant de rendre leur rapport d’expertise; les experts ont été nterrogés à deux reprises par différentes compositions du tribunal, la décision dans les deux cas est restée inchangée: Il n’y a pas de pornographie dans les images et il n’y a de corpus delicti sur aucun des deux points soulevés.

Rappelons que l’accusation a demandé une augmentation de la peine de Dmitriev à 13 ans dans une colonie pénitentiaire à régime strict, la défense exige, quant à elle, un acquittement complet pour toutes les charges retenues contre lui.