Déclaration du Centre de défense des droits Humains Memorial sur la condamnation d’Ivan Safronov

Déclaration du Centre de défense des droits Humains Memorial sur la condamnation d’Ivan Safronov

Le 5 septembre 2022, le Tribunal municipal de Moscou a condamné le journaliste Ivan Safronov à 22 ans de prison pour haute trahison.

Le verdict ouvertement illégal reprend mécaniquement les termes d’un acte d’accusation dépourvu de preuves. Ceci n’est pas nouveau : pour autant que nous puissions en juger, des dizaines de cas douteux de « scientifiques espions » (ou des cas de personnes reconnues coupables de trahison et d’espionnage dans l’intérêt de l’Ukraine) ne sont pas plus convaincants en termes d’intrigue et de preuves que l’affaire Safronov. Les enquêteurs comme
le tribunal russes ne s’embarrassent pas à rechercher des preuves convaincantes de culpabilité, en particulier dans les affaires où un ordre émanant des autorités politique est évident. Néanmoins, le cas d’Ivan Safronov se détache du fond général de l’anarchie russe actuelle.

En effet c’est un journaliste qui a été jugé pour haute trahison, pour son travail journalistique – cela ressort clairement de l’acte d’accusation publié par ses collègues.

La solidarité journalistique a donné au cas de Safronov une résonance sans précédent et lui a fourni un énorme soutien public. Il y a trois ans, une telle campagne avait permis d’arracher Ivan Golounov des mâchoires de la bête.

Non seulement cette vague de soutien, mais aussi le courage des avocats ont assuré la publicité du procès, sans précédent pour des affaires de trahison et d’espionnage. Pour cela, la défense de Safronov a subi une pression sans précédent. Deux avocats ont été contraints de quitter la Russie sous la menace de poursuites pénales. Le troisième, Dmitry Talantov, s’est lui-même retrouvé derrière les barreaux. Deux autres se sont dessaisis de l’affaire. Les enquêteurs du FSB n’ont permis à la défense ni de prendre des notes issues des dizaines de volumes constituant le dossier de l’affaire pénale, ni même d’en prendre connaissance jusqu’au bout.

Résultat — et c’est un cas unique ! — à la fin du procès de Safronov, le récit de l’accusation et les « preuves » à l’appui étaient connues. Habituellement, les cas de trahison étaient tenus sous le voile du secret. Habituellement, malgré les accusations douteuses, les militants des droits Humains et la société ne peuvent pas procéder à une évaluation raisonnable de ce type de cas : on ne sait ni de quoi la personne a été accusée , ni comment cela a été prouvé.

Mais dans le cas d’Ivan Safronov, nous ne supposons pas, mais nous savons avec certitude que ni l’accusation ni les preuves n’ont la moindre valeur. Ivan n’avait pas accès à des secrets d’État. L’enquête et le tribunal n’ont pas indiqué la source précise auprès de laquelle il aurait pu obtenir des informations constituant un secret d’État. Toutes ces informations étaient contenues dans des sources publiques, dans des articles accessibles à tous. Le verdict est entièrement basé sur des conjectures, des préjugés, des spéculations et des jugements de valeur biaisés.

Ni l’innocence apparente de Safronov, ni le courage avec lequel il s’est battu pour sa réputation jusqu’au verdict même, ni le professionnalisme et le courage de ses défenseurs n’ont empêché la « justice » russe de prononcer la peine la plus sévère de son histoire dans de tels cas.
Le système politique russe s’est brutalement vengé de ceux qui ont refusé de se soumettre à l’arbitraire et de reconnaître les « règles du jeu » de l’absurde réalité d’un procès kafkaïen.

Le verdict rendu à l’encontre de Safronov le 5 septembre, jour anniversaire du décret de 1918 sur la Terreur rouge, est un exemple de la dégradation du système judiciaire russe, notamment perceptible dans les affaires traitées par le FSB, maillon clé du système politique.

Le Centre de défense des droits Humains Memorial condamne catégoriquement la condamnation cruelle, injuste et politiquement motivée d’Ivan Safronov et demande sa libération.

Comprenant la futilité de telles demandes dans la Russie d’aujourd’hui, nous sommes convaincus que la situation catastrophique actuelle du système juridique de notre pays ne peut pas et ne doit pas s’éterniser.

Liberté pour Ivan Safronov ! Liberté pour les prisonniers politiques !


Source https://telegra.ph/O-prigovore-Ivanu-Safronovu-09-06

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