Nouvelles alarmantes de Petrozavodsk dans l’affaire Dmitriev

Portail de la maison d'arrêt de Petrozavodsk. Photo Daria Krotova

Nouvelles alarmantes de Petrozavodsk dans l’affaire Dmitriev

Le 22 septembre 2020, à 10h00, la Cour suprême de la République de Carélie devrait examiner les appels et les recours contre le deuxième verdict dans l’affaire de l’historien Iouri Dmitriev, responsable de la branche locale de l’association Memorial. Les développements récents de cette affaire et la manière dont devrait se dérouler cette audience sont alarmants.

L’avocat défendant Dmitriev, Viktor Anoufriev, est malade et se trouve en isolement. Le 16 septembre 2020, date à laquelle les appels devaient être examinés, il a demandé au tribunal de reporter l’audience au 28 septembre, date à laquelle il pourrait personnellement se présenter au tribunal et représenter les intérêts de son client. Le tribunal n’a reporté l’audience que de cinq jours, soit au 22 septembre, excluant de fait Viktor Anoufriev des débats, et a nommé un nouvel avocat commis d’office auprès de Iouri Dmitriev. Cet avocat n’a donc que trois jours (hors weekend) pour se familiariser avec les nombreux volumes des dossiers de cette affaire qui l’affaire, ce qui est impossible.

En raison des normes sanitaires, Iouri Dmitriev lui-même doit participer à l’audience en visioconférence depuis la maison d’arrêt où il est incarcéré. Selon ses déclarations, dans ce cas, la qualité de retransmission des débats est très mauvaise et ceux-ci sont quasiment inaudibles.

Selon les informations en possession de Memorial International, Iouri Dmitriev aurait refusé la nomination d’un nouvel avocat et serait donc contraint d’assurer lui-même sa défense. 

L’accusation a demandé de porter sa peine à 13 ans dans une colonie à régime strict.

Conformément au verdict du tribunal municipal de Petrozavodsk daté du 22 juillet 2020, Iouri Dmitriev devrait être libéré en novembre. Sur quatre des cinq chefs d’accusation retenus contre lui, il a été déclaré non coupable (pour trois d’entre eux – pour la deuxième fois). Bien que le tribunal ait confirmé la plus lourde des accusations, la peine infligée (3,5 ans dans une colonie à sécurité maximale) est nettement inférieure à la limite inférieure prévue dans cet article (12 ans). Le verdict ne convient donc à aucune des deux parties. Le parquet demande une augmentation de la durée de l’emprisonnement pour que la peine corresponde à la «culpabilité» de Dmitriev, que le tribunal a formellement reconnue. La défense demande l’acquittement complet.


Rappelons que l’instruction et le procès de cette affaire, commencés en décembre 2016, durent depuis près de quatre ans. Mémorial-International a rappelé à de nombreuses reprises qu’il considère fabriquées toutes les accusations formulées contre Iouri Dmitriev. L’historien, aujourd’hui âgé de 64 ans, et qui a passé plus de trois ans en prison, est innocent et reconnu par Mémorial-International comme un prisonnier politique.

Le 22 juillet 2020, Iouri Dmitriev a été reconnu par le tribunal de la ville de Petrozavodsk innocent des chefs d’accusation suivants :

  • Utilisation d’un mineur dans le but de fabriquer des matériaux ou objets pornographiques (art.242, al. « V », §2 du CP de la Fédération de Russie) ;
  • Commission d’actes de débauche, sans violence, par une personne majeure sur mineur de moins de 16 ans ( art. 135 du CP de la Fédération de Russie, réd. du 8/12/2013 N°162-FZ et du 21/07/2004 N°74_FZ)
  • Commission d’actes de débauche, sans violence, par une personne majeure sur mineur de moins de 12 ans (art.135 du CP de la Fédération de Russie, réd. du 27.12.2009 N°377_FZ)
  • Possession illégale de parties d’arme à feu ( art.222 du CP de la Fédération de Russie, §1)

Le tribunal a retenu, à l’encontre de Iouri Dmitriev,  les charges définies par l’art.132, §4, al. « B » du CP de la Fédération de Russie (« Commission d’actes violents à caractère sexuel sur un mineur de 14 ans ») et a condamné celui-ci à une peine de trois ans et demie de réclusion criminelle dans une colonie pénitentiaire  à régime sévère. Cette peine est très inférieure à la peine minimale prévue par la loi – 12 ans. Elle correspond pratiquement à la durée de détention préventive déjà effectuée par Iouri Dmitriev.

Rappelons que Iouri Dmitriev avait déjà été jugé innocent, en avril 2018,  des chefs d’accusation « d’utilisation d’un mineur dans le but de fabriquer des matériaux ou objets pornographiques » et de « commission d’actes de débauche ». Le tribunal ne l’avait jugé coupable que de « possession illégale de parties d’arme à feu » (accusation aujourd’hui levée). Le chef d’inculpation de « commission d’actes violents à caractère sexuel » n’a été formulé à l’encontre de Iouri Dmitriev qu’en juin 2018, alors que celui-ci venait de passer plus d’un an et demi en prison.

Retrouvez toute la chronologie de l’affaire contre l’historien Iouri Dmitriev ici