Application aux militants politiques des articles du Code pénal de la Fédération de Russie sur les associations terroristes (rapport)
Application aux militants politiques des articles du Code pénal de la Fédération de Russie sur les associations terroristes
Auteur : Daria Kostromina
Un rapport établi et publié en russe en 2020 par le Centre des droits humains Memorial
Ce rapport a été traduit en 2021 par une équipe de traducteurs et traductrices bénévoles en collaboration avec l’association Habitat-Cité et le Comité Tchétchénie.
Lien vers la version originale : https://memohrc.org/ru/reports/darya-kostromina-primenenie-stati-uk-rf-oterroristicheskom-soobshchestve-protiv
Les accusations de terrorisme sont au hit-parade de la saison. Ces dernières années, même les gens qui ne suivent qu’occasionnellement les informations sur les persécutions politiques en Russie ont au minimum entendu parler du procès du Réseau qui, dans la version avancée par l’enquête et le tribunal, est un groupe d’anarchistes combattants qui se sont entraînés pour commettre des attentats terroristes et renverser le gouvernement, mais, dans la version de la défense, est un groupe disparate d’amateurs de strike-ball pratiquant des sports de combat pour le plaisir. Pour ceux qui suivent régulièrement les répressions, cette histoire est la suite logique d’une tendance et, hélas, certainement pas le dernier maillon de cette chaîne.
Des militants politiques aux idéologies très différentes, de l’extrême droite à l’extrême gauche, ont déjà été victimes d’accusations de terrorisme complètement ou partiellement fabriquées. Ces accusations touchent aussi bien des monarchistes orthodoxes que des nostalgiques de l’URSS, des nationalistes radicalisés à divers degrés, des antifascistes, des anarcho-communistes, des défenseurs de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ainsi que des journalistes.
D’une part, les accusations de terrorisme falsifiées portées contre des militants et des journalistes sont la partie visible d’un iceberg dont la base est constituée de musulmans et de migrants originaires de pays majoritairement musulmans. D’autre part, il ne serait pas alarmiste de dire que la partie « laïque » des accusations de terrorisme est en pleine expansion et que ce problème mérite la plus grande attention.
Dans ce rapport, nous examinons les persécutions envers les militants politiques sur le fondement de l’art. 205.4 du Code pénal de la Fédération de Russie1 (Constitution et participation à une association terroriste) parce que cet article, entre autres, est généralement appliqué aux participants à des actions de groupe. Les militants et les journalistes ne sont pas poursuivis uniquement pour des actions de groupe. Dans certains cas, on accuse même des personnes isolées de préparation d’attentats terroristes, comme cela a été le cas pour l’anarchiste Ilya Romanov ou bien Oleg Prikhodko , habitant de Crimée, pro-Ukraine. Le journaliste daguestanais Abdoulmoumin Gadjiev a été accusé de financer le terrorisme et la journaliste de Pskov Svetlana Prokopieva de justifier le terrorisme. Cependant, les affaires d’actions en groupe sont plus fréquentes, elles sont plus utilisées dans la propagande de l’État et sont une meilleure illustration des méthodes répressives. En outre, nous n’examinerons pas les seules accusations de participation à une association terroriste mais aussi les accusations connexes incriminant les figurants de ces affaires criminelles : préparation et réalisation d’un attentat terroriste, détention d’armes, de munitions etc.
Nous avons choisi d’analyser les quatre histoires les plus connues de persécutions sur le fondement de l’art. 205.4 du CP FR (l’affaire Oleg Sentsov, l’affaire Avant-garde baltique de la résistance russe (BARS), l’affaire Formation à l’artillerie (Artpodgotovka) , l’affaire Réseau ainsi que l’histoire de l’affaire pénale Organisation terroriste autonome de combat (ABTO), dont le verdict a été rendu avant l’apparition de l’art. 205.4 du CP FR mais qui par tous ses aspects ressemble aux affaires postérieures fondées sur cet article.