Andreï Sakharov lors de conférence de création de Memorial en 1987 – © Memorial International

En janvier 1989, plusieurs centaines de délégués, représentant environ 250 organisations et groupes, se réunissent dans la Maison de la culture de l’Institut de l’aviation de Moscou, et créent La société bénévole historique et éducative de toute l’Union [soviétique]  « Memorial » (Всесоюзное добровольное историко-просветительское общество «Мемориал»). Car durant ces années, un mouvement social très large est apparu et se concrétise dans la fondation d’une organisation. En 1992, au qualificatif « historique et éducatif » est ajouté « et de défense des droits de l’homme » et le terme « de toute l’union [soviétique] » devient « international », puisque l’Union Soviétique n’existe plus. Les statuts de l’association sont alors adoptés, un conseil d’administration est élu, ainsi qu’un organe exécutif, un bureau – le collectif de travail. L’association Mémorial vient de naître.

Peut-on considérer que la conférence fondatrice des 28-30 janvier 1989 est le véritable moment fondateur de « Mémorial » ?

Il n’en est pas vraiment ainsi. Trois mois même avant que la conférence fondatrice ne se tienne, a lieu une autre conférence, qui en est la préfiguration et qui n’est pas moins représentative. A dire vrai, lorsqu’elle se tient, la création de l’association « Mémorial » est prévue mais des menées hostiles des institutions « officielles », inspirées, comme nous le savons aujourd’hui, par le bureau politique du Comité Central du PCUS (Parti communiste d’union soviétique) y ont fait obstacle. Quoi qu’il en soit, cette conférence de préfiguration ne fut pas non plus la première initiative qui contribua à la création de Mémorial.

Ce moment fondateur n’est-il pas « l’élection » du comité civique de « Mémorial » en juillet-août 1988 ?

Ces élections furent bien étranges. Des membres actifs du mouvement sortent dans les rues et les places des grandes villes, réalisent une enquête-minute auprès de la population dont l’unique question est : « Qui parmi les acteurs sociaux, les scientifiques, les écrivains, etc. souhaiteriez-vous comme membres de ce comité ? » Décision avait été prise auparavant qu’il serait constitué des 15 membres qui recevraient le plus grand nombre de voix. Le public rencontré dans la rue participa avec enthousiasme à cette enquête, ne demandant même pas de quoi il était question. Tous connaissaient alors « Mémorial » et ses objectifs. Aucun des « vainqueurs » , les plus renommés des « grands esprits » de la perestroïka ne refusa d’entrer dans le comité, à l’exception d’ Alexandre Soljenitsyne, qui indiqua qu’étant en exil, il ne voyait pas comment y participer.

Lors de sa première réunion, Andrei Sakharov fut élu président du comité. Il fut ensuite le premier président de l’association Mémorial. Un comité d’organisation de l’association fut créé, qui prépara la conférence fondatrice.

La création du comité et la formation du comité d’organisation constituent un moment important de l’histoire de Mémorial. Le mouvement se transformait en organisation sociale, – première organisation de masse non politique sur le nouveau chemin que suivait la Russie. Moment important mais qui n’en constitue pas le moment fondateur, mais une nouvelle étape. Le mouvement existait en effet avant août 1988 et était déjà très populaire.

Quand donc naquît Mémorial ?

Reportons nous encore quelques mois auparavant, en septembre 1987, quand poussèrent comme des champignons, dans toute l’Union soviétiques, de très nombreuses organisations « informelles ». Tel était alors le terme utilisé pour les désigner. Derrière ce mot étrange résidait une réalité toute simple : à l’aube de la perestroïka, une initiative civique non sanctionnée par le pouvoir avait cessé d’être considérée comme criminelle. Elle n’entraînait plus de condamnation pénale. Le pays se couvrit alors de clubs civiques, d’associations de jeunes, d’organisations autonomes et d’associations culturelles et éducatives de toutes tendances. Dans un de ces clubs, nommé « perestroïka démocratique », une section historique et éducative est fondée par, en particulier, N.Braginskaia, A. Vaïsberg, E. Jemkova, A. Zverev. P. Koudioukine, V. Kizine, D. Leonov, O. Orlov. L. Ponomarev, Iou. Samodourov et Iou. Ckoubko.