Chronique de la Russie qui proteste // 11 – 17 février 2024

Chronique de la Russie qui proteste // 11 – 17 février 2024

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


La ville s’exprime

Dans un supermarché de Saint-Pétersbourg, on a trouvé une carte avec des poèmes pro-ukrainiens et un appel à pendre Vladimir Poutine. Les forces de l’ordre ont ouvert une enquête pénale pour incitation au terrorisme.

Des cartes similaires avaient déjà été découvertes auparavant dans d’autres magasins. Les suspects, les époux Anastasia Dioudiaeva et Alexandre Dotsenko, sont en détention provisoire depuis le 24 janvier.


Partout en Russie, des personnes poursuivent leur agitation contre la guerre. Des graffitis, des tracts et des rubans verts apparaissent dans les villes.

Piquets de protestation solitaire, manifestations, actions anti-guerre

Des membres des familles de soldats mobilisés poursuivent leurs actions hebdomadaires pour exiger le retour de leurs proches. Cette fois, des actions ont eu lieu à la Tombe du Soldat inconnu à Moscou, au Champ de Mars à Saint-Pétersbourg, ainsi qu’à Novossibirsk, Tcheliabinsk, Iekaterinbourg et Samara.


À Iekaterinbourg, cinq personnes ont été interpellées lors d’un dépôt de fleurs, et l’une d’entre elles a été condamnée à huit jours de détention.

Poursuites 

En 2022, Timofeï Radzikhovski, un militant d’Obninsk, avait collé des autocollants anti-guerre dans la ville. Deux ans plus tard, une procédure a été ouverte contre lui pour discrédit à l’encontre de l’armée, et il a été condamné à une amende de 30 000 roubles (environ deux fois l’équivalent du salaire minimum en Russie). Selon son avocat, les preuves du dossier reposent sur des témoignages extorqués sous la torture à un ami de l’accusé. Timofeï se trouve actuellement aux Pays-Bas, où il est en train de demander l’asile politique.


En août 2024, un habitant d’Omsk avait incendié une armoire à relais sur une voie ferrée. Il avait déclaré avoir voulu interrompre les livraisons à destination du front. Il a été condamné à 16 ans de colonie pénitentiaire à régime sévère, pour haute trahison, sabotage et participation à une organisation terroriste.


Oleg Pankov, un ancien député du conseil municipal de Komsomolsk-sur-l’Amour, avait publié des messages anti-guerre sur ses réseaux sociaux personnels, ce qui lui avait valu d’être condamné à une amende de 30 000 roubles en 2022. Ces derniers temps, il apportait une aide juridique aux familles de soldats tués, les aidant à obtenir des compensations de l’État. Le 15 février, une perquisition a eu lieu chez l’homme dans le cadre d’une procédure pénale pour discrédit à l’encontre de l’armée.


Une habitante de la région de Belgorod publiait des vidéos anti-guerre sur TikTok. Sur dénonciation de Iekaterina Mizoulina, une procédure a été ouverte contre Anfissa Golovnykh pour pour discrédit à l’encontre de l’armée. La jeune femme a été condamnée à une amende de 30 000 roubles.


Édouard Charov, un prêtre de la région de Sverdlovsk, avait publiquement critiqué la guerre sur les réseaux sociaux et, lors de la mobilisation, hébergé dans son refuge pour sans-abris des hommes refusant d’aller au front. Au printemps 2023, il avait été condamné deux fois à une amende pour discrédit à l’encontre de l’armée. Il est désormais poursuivi pour apologie du terrorisme à cause d’un commentaire sarcastique sur l’incendie d’un centre de recrutement militaire. Le prêtre se trouve actuellement sous restrictions judiciaires et l’usage d’Internet lui est interdit.


À Moscou, une étudiante de l’École des hautes études en sciences économiques (HSE) a été condamnée à une amende de 30 000 roubles pour discrédit à l’encontre de l’armée. Elle avait publié un commentaire anti-guerre sur le réseau social VKontakte.

Refus de combattre

En 2022, Vladislav Krenik, un habitant d’Omsk, avait reçu une convocation dans le cadre de la mobilisation. Dès son arrivée au commissariat militaire, il avait demandé à effectuer un service civil alternatif et avait également présenté des certificats médicaux attestant de problèmes de santé. Sa demande a été rejetée. Lorsqu’il avait appris qu’il allait être envoyé au front avec ses camarades, il avait quitté son unité. Il a été condamné à cinq ans de colonie pénitentiaire à régime ouvert.

Mémoriaux

À Tomsk, un mémorial spontané est apparu en hommage aux victimes du bombardement de Kharkiv. Des fleurs et une plaque portant l’inscription «Харькiв Украiна» [«Kharkiv, Ukraine» en ukrainien] ont été déposées au pied du monument aux victimes des répressions politiques.

Sabotages

Des résistants ont incendié un camion qui transportait, selon toute vraisemblance, 30 drones russes


Dans la région de Volgograd, des résistants ont incendié une armoire à relais. Leur objectif était de ralentir le transfert de matériel militaire russe vers l’Ukraine. 


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.