Chronique de la Russie qui proteste //10 – 16 février 2025
En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.
Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.
La ville s’exprime
Ivanovo (district fédéral central)

Le ruban vert est un symbole de la résistance contre la guerre.
Tchelyabinsk (District fédéral de l’Oural)



Le ruban vert est un symbole de la résistance contre la guerre.
Saint-Pétersbourg

Graffiti : «Je ne veux pas m’habituer à la guerre.»
Sabotages
Incendie criminel d’une tour de communication dans la région d’Orel

Dans les environs du village de Zhilina, situé dans la région d’Orel (district fédéral central), une tour de communication alimentant l’institut juridique du ministère de l’intérieur d’Orel a été incendiée.
Incendie criminel d’un poste de transformation à Magnitogorsk

Dans la ville de Magnitogorsk, située dans la région de Tchelyabinsk (District fédéral de l’Oural) un poste de transformation électrique a été incendié. Il assurait l’approvisionnement en électricité d’un site relevant de l’infrastructure militaire.
Poursuites
Poursuite pénale pour des commentaires anti-guerre sur Telegram
Une sympathisante du “Corps des volontaires russes”, de la Légion «Liberté de la Russie» [NdlR. Organisation paramilitaire russe combattant aux côtés de l’armée ukrainienne] et de «Artpodgotovka» a été arrêtée à Kurgan (district fédéral de l’Oural). Sur Telegram, elle avait rédigé des commentaires en soutien aux Forces armées ukrainiennes et appelé au renversement de Poutine. Une procédure pénale a été ouverte contre elle pour « appels publics à des actes terroristes et justification publique du terrorisme ». La militante a été relâchée après s’être engagée à ne pas quitter la ville.
Amende pour des commentaires contre la guerre en Ukraine
Un résident de la ville de Nakhodka (district fédéral d’Extrême-Orient) a été poursuivi pour avoir publié des commentaires sur les discussions Telegram critiquant les actions de l’armée russe en Ukraine et pour avoir insulté ceux qui soutiennent l’« opération militaire spéciale » (SVO). Le 11 février, le tribunal municipal de Nakhodka l’a condamné à une amende de 12.000 roubles (l’équivalent de 54% du salaire minimum). En cas de récidive, il risque une peine de prison.
Un partage de pétition contre la guerre considéré comme « discréditant l’armée »
Le lendemain de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes, Igor Polev, originaire de Tver (district fédéral central), avait publié sur VKontakte un message intitulé « Non à la guerre », accompagné d’un lien vers la pétition de Lev Ponomarev sur change.org, exigeant l’arrêt de la guerre en Ukraine. Le 13 février, on a appris qu’une procédure pénale avait été engagée contre Igor pour « discrédit à l’encontre de l’armée », bien que deux examens psychologiques et linguistiques n’aient révélé aucun discrédit à l’encontre de l’armée dans les inscriptions « Non à la guerre » et qu’au moment de la publication de la pétition, l’article pénal sur le discrédit de l’armée n’était pas encore en vigueur.
Deux affaires de « fausses informations » contre une militante pour des posts anti-guerre de Karatchaïevo-Tcherkessia
Une habitante de Karatchaïevo-Tcherkessia (district fédéral du Caucase du Nord) avait publié deux messages : l’un qualifiant la mobilisation d’instrument d’épuration ethnique, l’autre critiquant les « héros » qui bombardent les centrales hydroélectriques, laissant ainsi la population sans lumière. Au cours de l’été 2024, des agents du FSB (Service Fédéral de sécurité de la Fédération de Russie) ont perquisitionné son domicile. En février 2025, la militante a déclaré à OVD-Info que deux affaires pénales avaient été ouvertes contre elle pour « fausses informations » sur l’armée . Elle est maintenant en sécurité à l’étranger.
Arrestation pour « salut ukrainien »
Deux étudiants de l’université d’État des Télécommunications M.A. Bonch-Brouevitch de Saint-Pétersbourg ont été arrêtés pour avoir fait usage d’un « salut ukrainien ». Le vice-recteur adjoint à la sécurité de l’université a rédigé une dénonciation à leur encontre. D’autres étudiants ont également témoigné contre eux. Le tribunal du district de Nevsky a condamné les jeunes hommes à cinq jours de détention pour « étalage de symboles d’une organisation extrémiste ». Une procédure pénale pourrait être engagée.
Quatre ans de colonie pénitentiaire pour avoir tenté de rejoindre la Légion « Liberté de la Russie »
Nikolaï Malkerov, un entrepreneur de 35 ans originaire de Kostroma (district fédéral central), avait regardé sur Internet une vidéo sur les activités de la Légion «Liberté de la Russie». Il s’était ensuite rendu sur le site web de la Légion et avait rempli un formulaire de demande d’adhésion à la Légion «Liberté de la Russie», mais ne l’avait pas envoyé. Plus tard, Nikolaï avait été contacté par un utilisateur ayant pour pseudonyme « Curateur » qui lui avait proposé de « recueillir des informations sur un site dans la région de Yaroslavl ».
La correspondance avec le « Curateur », qui s’est avéré être un officier du FSB, avait duré environ un mois, Nikolai n’avait pas réussi à envoyer de photos ou de vidéos. il avait été arrêté et placé en détention provisoire pour collaboration avec un État étranger sur une base confidentielle.
Le 14 février, le tribunal régional de Kostroma a condamné Nikolaï Malkerov à quatre ans de détention en colonie pénitentiaire à régime général, et à un an de restriction de liberté.
Un blogueur emprisonné pour ses prêches contre la guerre, accusé de « justification du nazisme »

Un blogueur chrétien de la région de Voronej (district fédéral central), connu sous le nom de Khidstolyub Vegan Bojii [Ami du Christ, Végane de Dieu], prêchait activement contre la guerre. En raison de deux phrases contenues dans sa vidéo Youtube, à savoir « Staline et Hitler ont divisé l’Europe » et « si les anciens combattants tuaient aussi les fascistes, ils étaient eux aussi dans leur tort », Khristolyub a été inculpé pour “réhabilitation du nazisme”. Le tribunal régional de Voronej l’a condamné à trois ans de détention en colonie pénitentiaire, à quatre ans d’interdiction d’administrer un site web ainsi qu’à un traitement psychiatrique ambulatoire obligatoire. « Je ne sortirai jamais de là », a déclaré le pacifiste.
Vingt ans et six mois de prison pour collaboration avec le renseignement militaire ukrainien

Maksim Moskalev, 31 ans, originaire de Koursk (district fédéral central), collaborait avec la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense ukrainien depuis janvier 2024 : il avait photographié un bureau d’enrôlement militaire et incendié une armoire relais en échange d’une récompense de 45.000 roubles. Il a rapidement été arrêté et accusé de haute trahison et de sabotage. Son procès s’est déroulé à huis clos. Le tribunal régional de Koursk a condamné Maksim Moskalev à 20 ans et 6 mois d’emprisonnement, dont les trois premières années en prison et le reste dans une colonie pénitentiaire à régime sévère. Il devra également payer une amende de 250.000 roubles (l’équivalent de 11,14 fois le salaire minimum) et sera soumis à une restriction de liberté d’un an et demi.
Trois habitants de Voronej reconnus coupables de « haute trahison » pour collaboration avec l’armée ukrainienne
Selon l’enquête, Aleksandr Filimonov, Ruslan Vlasov et Ivan Ignatov, originaires de Voronej (district fédéral central), ont transmis aux Forces armées de l’Ukraine depuis 2022, des informations sur des militaires russes, des coordonnées de ponts ferroviaires dans les régions de Voronej et de Rostov et du territoire de Krasnodar, ainsi que des photos d’un aérodrome militaire et du bâtiment de la direction régionale du service fédéral de sécurité. Leur affaire a été examinée à huis clos. Le tribunal régional de Voronej a condamné Vlasov et Ignatov à 14 ans chacun de colonie pénitentiaire pour « haute trahison ». Filimonov a été condamné à 18 ans de colonie pénitentiaire à régime sévère pour « haute trahison », « appels publics à des activités extrémistes » et « acquisition et stockage illégaux de munitions », ainsi qu’à une interdiction d’administrer des ressources Internet pendant deux ans.
Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.
Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.