En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.

LA VILLE S’EXPRIME

À Perm (Oural) et à Samara (Moyenne Volga)

DIVERSIONS ET SABOTAGES 

Région de Samara : un pont ferroviaire détruit 

Le 28 septembre, près de la ville de Kinel, dans la région de Samara, un pont ferroviaire a été détruit à l’aide d’explosifs alors qu’un train de marchandises l’empruntait. Les explosifs ont endommagé deux structures en béton soutenant la voie ferrée, sans que celle-ci ne soit touchée. La circulation ferroviaire a été suspendue pour le transport de marchandises, tandis que les trains de passagers ont continué à circuler normalement.Sur le réseau social Télégram, la compagnie du chemin de fer de Kuibyshev a déclaré que l’explosion était le résultat d’une « interférence de personnes non autorisées dans le fonctionnement du transport ferroviaire ».

Une armoire à relais incendiée dans la région de Krasnodar

D’après la chaîne d’opposition « Soprotivlenie Svobodnoi Rossi » [Résistance de la Russie libre], un sabotage a réussi le 27 septembre sur une voie de chemin de fer dans la région de Krasnodar. Dans le village d’Industrialny, une armoire relais, c’est-à-dire un dispositif utilisé pour surveiller et contrôler le mouvement des trains sur des tronçons de voie ferrée, a été incendiée.

PERSECUTIONS

Un ancien officier militaire condamné pour « fausses informations sur l’armée »

En raison d’une vidéo anti-guerre diffusée sur sa chaîne Telegram, le capitaine à la retraite Sergueï Lintsov a été reconnu coupable au titre de l’article sur les « fausses informations » concernant les forces armées de la Fédération de Russie et condamné à 4 ans de colonie à régime général avec privation du droit d’administrer des sites web pendant 3 ans. La chaîne Telegram de Sergueï « Bertrand Zobrist » comptait 178 abonnés au moment de la publication du message. 

Fin septembre 2022, le service russe de la BBC a publié un article sur l’armée russe intitulé « Le piège de l’armée. Comment elle retient les contractants désillusionnés par le service militaire ». L’un des personnages de l’article est Sergueï Lintsov. Il a parlé aux journalistes du bizutage, de brimades et d’extorsion de fonds au sein de l’armée. 

“Quand tu crées beaucoup de fake-news et de mensonges éhontés alors tu commences toi-même à y croire. C’est ainsi que les dirigeants du pays en sont venus à croire que leur armée était capable de quelque chose”, a déclaré Segueï dans un entretien à la BBC. Lintsov a pris sa retraite des forces armées en 2013.

5 ans et demi d’emprisonnement pour avoir préparé l’incendie d’une armoire électrique

Un tribunal a déclaré Vladislav Partalokha, 19 ans, originaire de Samara, coupable de planification d’un acte terroriste après avoir préparé l’incendie d’une armoire électrique sur le chemin de fer de Kouibyshev et l’a condamné à cinq ans et demi de colonie à régime strict. Selon l’enquête, Vladislav serait un partisan de la Légion pour la liberté de la Russie et aurait fabriqué trois bouteilles de mélange incendiaire dans l’intention de mettre le feu à une armoire de relais à un passage à niveau près de la gare de Dachnaya.

Autres formes de protestation

« Gloire à l’Ukraine » en dernier mot

Le militant Andrei Trofimov de Konakovo, dans la région de Tver, qui a été condamné à 10 ans de prison pour « fake news » sur l’armée russe, « appels à des activités extrémistes » et tentatives de rejoindre une formation armée illégale – la Légion russe de la liberté – et contre lequel une nouvelle procédure pénale a été ouverte au titre de l’article sur « l’apologie publique du terrorisme », a envoyé ses derniers mots depuis le centre de détention préventive :

« Chère Cour ! L’attaque de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 a été possible parce que la Russie moderne est victime d’une sélection négative : un pays de lâches, d’imbéciles et de merdeux. Je n’ai pas ma place ici : je ne suis ni l’un, ni l’autre, ni le troisième. Par conséquent, votre jugement m’est indifférent. Dans la vraie vie, je mourrai en prison ou j’irai en Ukraine. Et Poutine sera exécuté. À Kiev. Sur Maïdan Nezalejnosti. Pendu. Par les couilles. Gloire à l’Ukraine » (signature de Trofimov)

Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.