Chronique de la Russie qui proteste // 7-13 octobre 2024
En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.
Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.
La ville s’exprime
Saint-Pétersbourg, Kandalaksha (Région de Mourmansk), Smolensk (Région de Smolensk), Perm (Région de Perm)
Piquets de protestation et manifestations
Piquet solitaire de protestation à la mémoire de Boris Nemtsov (Khabarovsk, Extrême-Orient)
Les 7, 9, 11 et 12 octobre, Zigmund Khudyakov, un militant de Khabarovsk, portant un T-shirt à l’effigie de Boris Nemtsov, a tenu des piquets solitaires de protestation. Il a appelé à ne pas croire la propagande russe, a fait mémoire de Boris Nemtsov et parlé des dangers de la dictature.
Destructions et sabotages
Un engin explosif dans un train de marchandises
Le 5 octobre, un objet ressemblant à un engin explosif a été retrouvé à la jonction du quai et d’un wagon-citerne à Yaroslavl (district fédéral central). Le wagon appartient à une entreprise moscovite et était enregistré dans la région de Moscou. Les composants de l’engin explosif improvisé ont été envoyés à l’expertise. Une procédure pénale a été ouverte au titre de l’article sur les actes terroristes.
Poursuites
Procédure pénale pour avoir appelé à « avilir et violer » les partisans de Poutine
Il y a deux ans, un habitant du Primorié, Vassili Gorelikov, âgé de 19 ans, avait invité dans un commentaire sur VKontakt à « avilir et violer » les partisans de Poutine. Une dénonciation avait été rédigée contre lui via un bot de la Commission antiterroriste [NdlR. programme informatique conçu pour imiter ou remplacer les actions d’un humain en effectuant des tâches automatisées ou répétitives]. Le 7 octobre, il a été arrêté et une procédure pénale a été ouverte contre lui pour appels publics à des menées extrémistes.
18 ans de détention en colonie pénitentiaire pour incendie criminel des biens de la police et de la Garde nationale
Selon l’instruction, Alexei Baranov, 38 ans, avait mis le feu, en janvier 2023, à deux voitures de police, il avait tenté d’y mettre le feu pour déclencher un incendie dans l’entrepôt de la Garde russe. En février 2023, il avait été arrêté et envoyé dans un centre de détention provisoire. Après son arrestation, Baranov avait motivé ses actes par son opposition à la guerre. Le verdict a été prononcé le 10 octobre 2024 : 18 ans de détention en colonie pénitentiaire et une amende de 550.000 roubles (l’équivalent de 28,6 fois le salaire minimum).
Un militant de Samara tenu pour « terroriste » et « extrémiste » à titre posthume
Andreï Zhvakine, un militant de Samara, a été ajouté après sa mort à la liste des « terroristes et extrémistes » par Rosfinmonitoring [NdlR.Service fédéral de surveillance financière]. Il a péri, en mars 2024, lors de son arrestation par des agents du FSB. Selon les services spéciaux, Andreï s’apprêtait à faire exploser un point de réception d’aide humanitaire destiné à l’armée russe, mais la bombe artisanale lui a explosé dans les mains.
Quatre ans et demi de prison pour des propos anti-guerre
Le 7 octobre, le tribunal militaire du district sud de Rostov-sur-le-Don a condamné Ulkhar Gashimova, une jeune femme de 25 ans originaire du Daghestan, à 4 ans et 6 mois de prison dans une colonie pénitentiaire à régime général. Cette condamnation fait suite à des commentaires anti-guerre publiés sur des chaînes Telegram, en vertu des articles relatifs aux appels au terrorisme et à l’extrémisme.
Des déclarations anti-guerre dans un tchat de défenseurs des droits des animaux ont de nouveau « discrédité » l’armée
Le tribunal du district de Tikhoretsk a reconnu Denis Dzhalaganiya, un défenseur des droits des animaux de la région du Kouban, coupable d’avoir « discrédité l’armée » pour avoir tenu des propos pacifistes dans un tchat de défenseurs des droits des animaux. Dzhalagania a été dénoncé par un homme qui l’avait agressé en juillet alors qu’il tentait d’inspecter un refuge privé à Tikhoretsk (territoire de Krasnodar). On ignore quelle peine a été prononcée contre le militant par le tribunal.
Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.
Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.