Chronique de la Russie qui proteste // du 21 au 28 juillet 2025
En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.
Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.
La ville s’exprime
Voronej (District fédéral central)

Le ruban vert est un symbole de la résistance anti-guerre.
Iskitim (District fédéral de Sibérie)

Le ruban vert est un symbole de la résistance anti-guerre.
Piquets de protestation
À Tver, une militante a exigé la cessation des tortures infligées à une prisonnière politique


À Tver (District fédéral central), la militante Tatiana Dzhinchveladze a tenu des piquets de protestation solitaires devant la Direction du Service pénitentiaire fédéral pour la région de Tver, le bureau de réception du Président, le bâtiment du gouvernement régional, le bureau du Procureur et le comité d’enquête. Elle a exigé l’arrêt des tortures infligées à la prisonnière politique Lyudmila Razumova qui avait peint avec son mari des graffitis anti-guerre dans son village. En mars 2023, Lyudmila avait été condamnée à une peine de sept ans en colonie pénitentiaire pour « fausses informations » sur l’armée.
Dzhinchveladze a déclaré avoir reçu une lettre de Razumova, dans laquelle celle-ci se plaignait des pressions et du travail des avocats. Tatiana exigeait également que Razumova lui remette de la littérature juridique, qu’elle n’avait pu recevoir en colonie depuis un mois.
Au cours de l’action, des agents de la Rosgvardia (NdT : Garde nationale de Russie) ont abordé la militante et ont relevé les données de son passeport.
Action de soutien à la prisonnière politique Maria Ponomarenko

À Novossibirsk (District fédéral de Sibérie), le militant Vasily Semenyuk a tenu un piquet de protestation en soutien à la journaliste de RusNews Maria Ponomarenko, qui a été placée en cellule disciplinaire après un « incident dans la colonie pénitentiaire lié à sa procédure d’appel » . En février 2023, Maria avait été condamnée à six ans de prison pour diffusion de « fausses informations » à cause d’une publication sur le bombardement du théâtre d’art dramatique de Marioupol.
Vassili s’est rendu sur la place Lénine, muni d’une pancarte « Liberté pour Maria Ponomarenko ». Le militant a souligné que les actions en faveur de Ponomarenko se poursuivent.
Poursuites
À Kazan, une participante à un piquet condamnée à une amende pour une pancarte portant le mot « pouti »

Le 24 février 2025, Vera Otreshko avait tenu un piquet de protestation solitaire près du centre familial « Kazan » à Kazan (district fédéral de la Volga), munie d’une pancarte « Il n’y a pas de chemin, il faut faire demi-tour », où certaines lettres en rouge formaient les abréviations « SVO » (NdT : l’opération militaire spéciale) et « Poutine » (NdT: le mot ‘pouti’ en russe signifiant ‘chemin’, un jeu de mot est fait ici avec le nom du Président). Les photos de l’action avaient circulé sur les chaînes Telegram Respublikasi et Activatica .
Le 21 juillet, le tribunal a estimé que la pancarte contenait « des signes d’incitation à contrecarrer les actions de l’armée russe » et a condamné Otreshko à une amende de 90.000 roubles (4 fois le salaire minimum).
Un habitant de Saint-Pétersbourg accusé de justifier le terrorisme pour une phrase à propos du RDK ( NdT : Corps des volontaires russes) sur Telegram

Vakhtangi Rogava, un employé de la plateforme en ligne KudaGo, avait écrit un commentaire sur la chaîne Telegram WESTERLY : « Mais qu’est-ce que vous racontez tous, vous ne plaisantez pas ? Ces Russes-là n’existent plus, il n’en reste qu’un petit nombre, parmi lequel s’est miraculeusement conservé un faible pourcentage de gens normaux, comme le RDK. »
Vakhtang avait été arrêté le 25 mars 2025. Le Parquet avait considéré le commentaire comme une diffusion délibérée d’une ‘idéologie terroriste et avait exigé 4 ans et 6 mois de colonie correctionnelle.
Les avocats avaient demandé au tribunal de tenir compte du repentir de Rogava, de sa coopération à l’enquête, sa stabilité professionnelle, ses bonnes références et son état émotionnel au moment de la publication du commentaire. Le 23 juillet, le tribunal a condamné Vakhtangi Rogava à 3 ans et 6 mois de colonie pénitentiaire à régime général.
Dans sa déclaration finale, Rogava a promis de se corriger et de payer l’amende. Il a souligné que pendant ses 4 mois de détention provisoire, il avait compris le caractère inadmissible de telles déclarations.
Un communiste condamné à une amende pour avoir parlé du fascisme lors d’un rassemblement le 1er mai

Sergueï Krupenko avait déclaré lors d’un rassemblement à l’occasion du 1er mai : « En fait, nous assistons aujourd’hui à la fascisation même du régime politique <…> Nous observons, regardons autour de nous et constatons : de qui Ivan Ilyin, l’idéologue du fascisme russe, est-il le philosophe préféré, ? N’est-ce pas de notre président ? <… > Et qui combat donc dans les rangs des Forces Armées de Russie ? N’est-ce pas certains fascistes russes, tatoués de la croix gammée, entre autres ? ».
Le tribunal central de Novossibirsk (district fédéral de Sibérie) a condamné Sergei Krupenko à une amende de 30.000 roubles (1,3 fois le salaire minimum) pour « discrédit » à l’encontre de l’armée.
Des publications d’Alexandra Byzova contre Poutine se transforment en condamnation
Dans une affaire de discrédit à l’encontre de l’armée, Aleksandra Byzova, une habitante de la région de Moscou, a été condamnée à un an et demi de colonie à régime ouvert.
Les circonstances exactes de l’accusation sont inconnues, le tribunal a refusé de les divulguer. Les pièces du dossier ont été soumises au tribunal à la fin du mois de juin, et le verdict a été rendu après une seule audience. Auparavant, en mai 2023, Byzova avait été condamnée à deux reprises à une amende de 30.000 roubles (1,3 fois le salaire minimum) pour des publications sur VKontakte, qui contenaient des insultes contre Vladimir Poutine et les autorités russes, ainsi que des déclarations « discréditant les forces armées de la Fédération de Russie ».
Lors de l’audience, Alexandra s’est montrée d’accord avec le procès-verbal, mais a déclaré qu’elle ne considérait pas ses actions comme « discréditant » l’armée, et que sur sa page VKontakte, elle traitait de problèmes sociopolitiques et militaro-politiques.
« Ce ne sont que des vêtements » : un militant condamné à une amende pour un badge pacifiste

Dans la nuit du 27 au 28 février, Vladislav Shabanov s’était rendu sur le Grand Pont de la Moskova à Moscou devant le mémorial de Boris Nemtsov à l’occasion de l’anniversaire de son assassinat. Le militant avait été arrêté à cause d’un badge sur sa veste portant l’inscription « Non à la guerre ».
Après son arrestation, Vladislav avait été placé dans un centre de détention pour mineurs pendant 3 jours et demi. Plus tard, la Commission des affaires juvéniles avait condamné le militant à une amende de 30.000 roubles (1,3 fois le salaire minimum) pour discrédit à l’encontre de l’armée de l’armée, et de 10.000 roubles (0,4 fois le salaire minimum) pour violation de la procédure établie de tenue d’un piquet de protestation.
Le 21 juillet, un appel contre les amendes a été interjeté devant le tribunal de la ville de Mytishchi. La défense a souligné plusieurs violations de procédure, dont le refus de laisser entrer un avocat, des pressions exercées sur la mère du mineur et l’établissement d’un procès-verbal sans témoins. Le tribunal a refusé de convoquer les forces de l’ordre, mais a accepté d’interroger les témoins. La séance a été reportée au 10 septembre.
Affaire pénale pour des likes anti-guerre

Pour trois likes sous des publications anti-guerre sur « Copains d’avant » et un avatar « Non à la guerre » , le tribunal du district de Konstantinovsky dans la région de l’Amour (district fédéral d’Extrême-Orient) a infligé une amende de 170.000 roubles (7,5 fois le salaire minimum) à Viktor Komlev, 74 ans, vice-président local de l’Union des retraités de Russie, pour discrédit répété à l’encontre de l’armée. L’affaire a été instruite par le FSB régional.
Auparavant, Komlev avait déclaré soutenir l’opération militaire spéciale et participer à l’aide bénévole. Le tribunal a pris en compte l’aveu de sa culpabilité et ses remords comme circonstance atténuante.
Pour des tracts de la LSR (NdT : la République populaire de Lougansk en Ukraine), un retraité condamné à 15 ans, mais libéré au tribunal pour grave invalidité

En janvier 2024, un retraité, Sergei Silantyev, avait collé à Izhevsk ( district fédéral de la Volga) des tracts de la Légion « Liberté de la Russie » avec l’image de Poutine, des slogans anti-guerre et des QR codes . Selon l’enquête, Silantyev avait également rempli un formulaire d’adhésion à la légion et avait laissé des commentaires appelant à rejoindre les FAU (NdT : les Forces armées de l’Ukraine).
Le retraité de 63 ans a d’abord été condamné à 15 ans de prison pour haute trahison, participation à une organisation terroriste, justification du terrorisme et appels publics à des actions contre la sécurité de la Russie.
Cependant, le tribunal a dispensé Silantyev de l’exécution de sa peine en raison de son état de santé. Sergey est invalide de première catégorie et a besoin d’une hémodialyse régulière. Durant le temps de sa détention, il était conduit à l’hôpital trois fois par semaine pour des soins.
Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.
Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française. 
                    
        



