En réaction à la publication du recueil de documents « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »

En réaction à la publication du recueil de documents « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »

Sous l’égide de la Direction des archives de la Fédération de Russie, l’Université des sciences humaines de Russie ( RGGU) vient de publier un recueil de documents « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ». Cet ouvrage témoigne de manière éclatante de l’instrumentalisation éhontée des documents historiques au service de la propagande.

Le titre de ce recueil de 800 pages reprend celui du texte publié en juillet 2021 par V. Poutine. Ce texte, suivi de deux autres textes du Président (ses « déclarations aux citoyens de la Russie » du 21 et 24 février 2022) ouvre le recueil. Plus, il en constitue la trame interprétative : en effet, chaque section chronologique de ce recueil, censé expliquer les relations entre la Russie et l’Ukraine du XIème à la fin du XXème siècle, s’ouvre sur une citation, plus ou moins longue, du texte, érigé au statut de texte canonique, de V. Poutine « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ».

Les documents choisis ne sont là que pour illustrer et valider la parole du Président, qu’il s’agisse des « tribus slaves unies par la même langue (…) et, après la christianisation de la Rous, par une même foi orthodoxe » ou de la famine du début des années 1930, « notre tragédie commune prétendument libellée de génocide du peuple ukrainien ». Sur ce dernier point – un sujet crucial des relations entre Russes et Ukrainiens, le recueil propose une poignée de documents biaisés, extraits du contexte historique général, faisant état d’une diminution – toute relative – des prélèvements obligatoires en produits agricoles imposés à l’Ukraine, d’aides alimentaires, tout aussi minimes, accordées aux kolkhozes ukrainiens au pic de la famine, ainsi que de la participation active de dirigeants ukrainiens à l’affamement des paysans ukrainiens.

Cette vision, scandaleusement caricaturale, contrevient à toutes les règles de la recherche historique. Il en est de même pour tous les autres chapitres, qu’il s’agisse du chapitre sur les relations économiques (« L’Ukraine et la Russie se sont développées comme un seul système économique ») qui, en quelques documents éclectiques, isolés de tout contexte, présente, de 1918 à 1959, les avantages tirés par l’Ukraine de son intégration à l’économie soviétique, ou du chapitre « Sur la création d’une Anti-Russie », fondé sur quelques documents du secrétariat du Comité à l’idéologie du PC ukrainien condamnant les « dérives nationalistes » du Roukh ou citant des « lettres des travailleurs » qui s’inquiètent des « tendances séparatistes visant à détruire l’URSS » et appellent à défendre « la colonne vertébrale de tout patriote soviétique – la Russie ».

Qu’un certain nombre de nos collègues historiens russes aient cautionné ce recueil témoigne de la vassalisation des esprits en ces temps de guerre.

Ce volume est une parodie de l’immense travail de publication de documents d’archives accompli par les historiens russes et ukrainiens depuis trente ans, et notamment par Mémorial pour attester pleinement la vérité historique des répressions de masse.

Un cas d’école de détournement des sources historiques pour fonder des thèses négationnistes.

Le Conseil d’Administration de Mémorial France


Photo : Street Art à Borodianka (Ukraine) – œuvre attribuée à Banksy (source : Facebook)