Chronique de la Russie qui proteste // 7 – 13 juillet 2025

Chronique de la Russie qui proteste // 7 – 13 juillet 2025

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


La ville s’exprime 

Tver (District fédéral central)

Le ruban vert est un symbole de résistance à la guerre.

Piquets de protestation solitaire 

Piquet anti-guerre à Perm (district fédéral de la Volga)

Le 8 juillet, Viktor Gilin, un militant âgé de 79 ans, a tenu un piquet solitaire anti-guerre devant le bâtiment administratif du kraï de Perm. L’inscription sur sa pancarte disait : « Vladimir Poutine ! Pourquoi Perm, ville de l’arrière, est-elle maintenant sur la ligne de front ? La guerre tue la planète !»

Déprédations 

Une armoire relais incendiée à Volgograd (District fédéral du Sud)

Le canal Telegram du mouvement ATESH [NdlR. «feu» en langue criméotatar, groupe de résistance à l’occupation russe, actif en Crimée et en Ukraine occupées] a annoncé qu’une armoire relais d’un nœud ferroviaire à Volgograd avait été incendiée. Cet acte a perturbé le contrôle du trafic des trains transportant du matériel militaire, du carburant, du personnel et des munitions en direction du sud et de l’est vers la ligne de front en Ukraine.

Poursuites

Une nouvelle procédure pénale ouverte contre un prisonnier politique pour ses propos anti-guerre

Andrei Voronin, originaire de Samara (district fédéral de la Volga), a fait l’objet d’une nouvelle affaire pénale pour « fausses informations » et apologie du terrorisme à la suite de conversations avec des codétenus durant lesquelles il a traité Poutine de « nazi » et déclaré que, pour arrêter la guerre en Ukraine, « nous devrions abattre Poutine ». 

Voronin a été condamné à 12 ans de prison en 2021 pour des actions commises pendant le confinement lié au COVID : il avait publié un message sur les actions illégales de la police, qu’une expertise avait jugé contenir des signes de menace de sabotage contre des installations militaires et étatiques, ainsi qu’une menace de faire exploser le bâtiment du FSB. Andrei avait également été accusé d’avoir menacé le chef du conseil municipal et un employé du ministère des Situations d’Urgence, venus suite à la dénonciation de voisins pour avoir allumé trois feux sur son terrain.

Photo : Page VKontakte d’Andrei Voronin.

Evgeniy Yelgin, un habitant de Saint-Pétersbourg, avait laissé un commentaire sur la chaîne de Nevzorov, accompagné des mots suivants : « Gloire à l’Ukraine – Gloire aux héros… ». Le tribunal l’a reconnu coupable de propagande de symboles nazis et l’a condamné à 10 jours d’arrestation.

Le leader du groupe Slaughter to Prevail accusé de « discréditer » l’armée pour s’être exprimé contre la guerre

La page Facebook du groupe de deathcore Slaughter to Prevail avait publié le 26 février 2022 : «Non à la guerre ! Notre groupe n’a rien à voir avec la politique, nous ne prenons pas parti. Nous sommes pour tous les gens pacifiques de ce monde et pour la paix dans le monde. Nous n’acceptons AUCUNE action militaire.» Le leader du groupe Alexander Shikolay s’était également prononcé contre la guerre sur Instagram.

Le 8 juillet, on a appris qu’un procès-verbal pour « discrédit » de l’armée avait été établi contre Alexander Shikolay. Dans la soirée du même jour, le service de presse des tribunaux de Moscou a annoncé que le tribunal du district de Nagatinsky de Moscou avait reconnu la culpabilité d’Alexandre et l’avait condamné à une amende de 50 000 roubles (soit 2,2 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Le président de la section du parti «Rassvet» («Aube») condamné à une amende pour avoir commenté l’attaque de la Russie contre l’Ukraine

Alexander Chepanov, président de la section du parti Rassvet à Khabarovsk (district fédéral d’Extrême-Orient), a écrit un commentaire sur le chat Telegram DTP 18+ Chat : «Nous avons donc attaqué un pays voisin avec des armes, tué ses citoyens, occupé son territoire, mais ce n’est pas une guerre ? On est sérieux ?».

Le tribunal l’a reconnu coupable d’avoir « discrédité » les forces armées russes et l’a condamné à une amende de 30 000 roubles (soit 1,3 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Son soutien à l’Ukraine lui a valu sept jours d’arrestation

Les cris « Gloire à l’Ukraine » et « L’Ukraine va gagner » lancés par N.A. Strometsky, un habitant de la ville de Kotelnikovo (district fédéral du sud), ont été considérés par le tribunal comme de la « propagande de symboles interdits » et un « discrédit à l’encontre de l’armée russe ». Strometsky a subi une arrestation de sept jours. Il a plaidé coupable.

Un habitant d’Orel arrêté pour avoir publié des messages critiquant la guerre en Ukraine

Un habitant de la ville d’Orel (district fédéral central), âgé de 24 ans,  avait publié des commentaires sur les actions de l’armée russe en Ukraine sur une chaîne Telegram et avait fait des remarques négatives sur la fête du 9 mai et les anciens combattants de la Grande Guerre patriotique. Le 8 juillet, le jeune homme a été arrêté par des agents du Centre de lutte contre l’extrémisme et accusé de « fausses informations » militaires, de « réhabilitation du nazisme » et de « justification du terrorisme ». 

Photo : capture d’écran de la vidéo du service de presse du département du ministère de l’intérieur russe dans la région d’Orel.

Une militante de Kazan condamnée à une amende pour avoir « discrédité » l’armée à cause d’une photo d’un piquet de protestation solitaire

Zulfiya Sitdikova, une militante de Kazan (district fédéral de la Volga), avait photographié un individu tenant un piquet de protestation solitaire, muni d’une pancarte « La voie est sans issue, il est temps de faire demi-tour » et elle avait publié la photo sur Telegram. Un rapport a été rédigé à son encontre pour avoir « discrédité » l’armée en appelant à des actions non autorisées. Elle a été condamnée à une amende de 80 000 roubles (soit 3,6 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Zulfiya risque maintenant une peine de prison ferme, car en mai 2024, elle avait déjà été condamnée à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour « discrédit » répété à l’encontre de l’armée et réhabilitation du nazisme pour des affiches « Non à la guerre » et « 9 mai ».

Un habitant de la région de Pskov (district fédéral du nord-ouest) a « discrédité » l’armée russe avec un drapeau d’un « État étranger”

Alexei Danilov, 32 ans, originaire de la région de Pskov, avait déployé le drapeau d’un « État étranger » près d’un champ de tir militaire. Dans ce contexte, il avait condamné la guerre en Ukraine.

Alexei a été reconnu coupable d’avoir « discrédité » les forces armées de la Fédération de Russie et a été condamné à une amende de 30 000 roubles (soit 1,3 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Un habitant de Saint-Pétersbourg arrêté pour avoir écrit des commentaires approuvant le Corps des volontaires russes

Vladislav Belkevich, habitant de Saint-Pétersbourg (district fédéral du nord-ouest), a été placé en détention provisoire pour avoir tenu des propos sur des chaînes Telegram dans lesquels, selon l’enquête, il « appelait au terrorisme, à l’extrémisme, à la violation de l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie, à l’organisation et à la participation à des émeutes de masse, ainsi qu’à des activités portant atteinte à la sécurité de l’État ».

Une voisine dénonce un militaire en retraite qui avait traité les soldats russes de criminels et d’occupants

Photo : « Prenez garde aux nouvelles »

Eduard Hoyda, un militaire en retraite invalide, voyant sa voisine apposer un graffiti portant l’inscription « Honneur à toi, soldat de Russie » avait qualifié les soldats des forces armées russes de « criminels et d’occupants ». Il avait promis de détériorer le graffiti si la voisine dessinait un ruban de Saint-Georges et la lettre « Z ».

Suite à la dénonciation de la voisine, un procès-verbal pour « discrédit » à l’encontre de l’armée a été dressé à l’encontre d’Eduard Goyda et une amende de 30 000 roubles (soit 1,3 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie) lui a été infligée.

Un Moscovite arrêté pour le port d’un pendentif en forme de trident

Dmitriy Gerya, un charpentier de 44 ans, a été arrêté pour le port d’une chaîne avec un pendentif en forme de trident, qui lui avait été offert il y a dix ans. Le tribunal l’a reconnu coupable d’exhibition publique de symboles nazis d’une organisation extrémiste, l’a arrêté pour cinq jours et a confisqué le bijou.

Un habitant de Sotchi condamné à 5 ans de prison pour avoir appelé à aider les Forces armées de l’Ukraine

Aleksey Kosmyntsev, 30 ans, originaire de Sotchi (district fédéral du sud), avait publié en avril 2023 un message  appelant à soutenir financièrement les forces armées ukrainiennes. Cinq mois plus tard, Aleksey avait publié trois autres messages concernant l’attaque du pont de Crimée et le bombardement d’objectifs civils par l’armée ukrainienne. Il a été reconnu coupable de justification du terrorisme et d’appel à l’extrémisme. En outre, Alexei a été accusé d’acquisition illégale de stupéfiants : le parquet a déclaré qu’en novembre 2024, il avait été récupérer de la drogue de synthèse dans une cache près du cimetière de Sotchi. Au total, il a été  condamné à 5 ans de colonie pénitentiaire à régime général.

Divers

Des agents du FSB ont abattu un homme suspecté d’attentat sur une voie ferrée

Le FSB a annoncé que dans la région de Saratov (district fédéral de la Volga) les forces de sécurité  avaient “supprimé” un homme qui, selon leur version, projetait de faire sauter un pont ferroviaire. L’homme avait résisté lors de son arrestation. Les services spéciaux affirment que le suspect avait l’intention de se rendre en Ukraine pour combattre aux côtés des forces armées ukrainiennes après le sabotage.


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.