Le 14 décembre 2021, se sont achevés les débats dans l’affaire Iouri Dmitriev devant le tribunal municipal de Petrozavodsk. Ses deux défenseurs, Viktor Anoufriev et Roman Masalev ont tous deux plaidé l’acquittement complet de leur client dans pour toutes les charges soumises à nouveau à l’examen de la Cour. Lors de cette même audience, Iouri Dmitriev a pris la parole et exprimé son « dernier mot ».Rappelons que l’historien a déjà été reconnu coupable de l’un des chefs d’accusation et condamné à 13 ans de régime strict. Plus tôt, lors des débats, le parquet a demandé que cette peine soit augmentée de 2 ans. Ainsi, la durée totale de son emprisonnement pourrait aller jusqu’à 15 ans. Dès le début de cette affaire, « Memorial » a déclaré être convaincu de l’innocence totale de Iouri Dmitriev. Nous continuons d’insister sur ce point et sur le fait que les charges retenues contre lui sont en fait de nature politique. Le verdict sera annoncé par la juge Ekaterina Khomyakova le 27 décembre 2021 à 11h00.

Enquêtes et procès, dans l’affaire Dmitriev durent depuis cinq ans, et, à la veille d’un nouveau verdict, il convient de rappeler les étapes de l’histoire judiciaire qui l’ont précédé. Lors du procès qui est actuellement en cours devant le Tribunal municipal de Petrozavodsk, c’est la troisième fois que sont examinés les chefs d’accusation retenus contre Iouri Dmitriev en 2017, déjà, de « préparation de matériaux pornographiques mettant en scène des mineurs » et de « commission d’actes lubriques sans recours à la violence ». Pour ces accusations, Iouri Dmitriev a été acquitté à deux reprises : lors de la première audience de l’affaire en avril 2018 par la juge Marina Nossova ; puis lors de la deuxième audience du juge Alexander Merkov en juillet 2020. Sur le troisième chef d’accusation – possession illégale de pièces d’armes à feu il a été reconnu coupable en 2018, puis acquitté en 2020.

En 2018, une nouvelle accusation s’est ajoutée à trois premières, celle d’avoir commis « d’autres actes de nature sexuelle contre une personne de moins de 14 ans ». En vertu de cet article, le juge Merkov a déclaré Dmitriev coupable, mais a imposé une peine inférieure au minimum établi soit 3,5 ans, ce qui a indirectement confirmé sa confiance dans l’innocence de l’accusé, et ce qui contredisait la nécessité de nombreuses années de poursuites.

L’événement clé de la procédure, qui a anéanti tous les espoirs d’une issue relativement positive de l’affaire (dans laquelle Iouri Alekseevich aurait pu être libéré en novembre 2020), a été l’arrêt en appel de la Cour suprême de Carélie du 29 septembre 2020 : il annulé toutes les décisions du tribunal de première instance, rendues deux mois plus tôt. La peine a été portée de 3,5 à 13 ans de prison; tous les acquittements ont été envoyés pour un nouvel (troisième) examen au Tribunal municipal. Outre le fait que cette décision est manifestement un non-sens absolu au regard de la pratique judiciaire (une augmentation de la peine de plus de trois fois, une troisième révision des mêmes chefs d’accusation, un procès d’une durée de plus de cinq ans), elle a été rendue avec des violations flagrantes du droit de Dmitriev à un procès équitable : en l’absence de son principal avocat, sans que Dmitriev lui-même puisse être présent dans la salle d’audience, mais à distance avec une mauvaise audibilité. Malgré l’évidence de ces violations, le pourvoi contre l’arrêt d’appel n’a pas abouti : la troisième Cour générale de cassation a confirmé l’arrêt ; La Cour suprême de Russie, où le deuxième pourvoi en cassation a été envoyé, a refusé de le réexaminer. Un recours contre cette décision adressé au Président de la Cour suprême V.M. Lebedev s’est également avéré inopérant : le 14 décembre 2021, la mention « Refus de transférer le pourvoi en cassation » est apparu dans la fiche de l’affaire. Ainsi, toutes les possibilités d’infirmation du verdict clé, qui a radicalement changé la situation judiciaire de l’affaire et présuppose un emprisonnement de longue durée, difficilement envisageable pour l’historien âgé de 65 ans, dans le cadre de la procédure judiciaire russe, semblent avoir été épuisé. La décision de la juge Khomyakova ne peut qu’aggraver cette situation – ou, au mieux, la laisser inchangée, mais elle ne peut en aucun cas changer le fait même de la persécution injuste et cruelle de Iouri Dmitriev.

Source : https://www.memo.ru/ru-ru/memorial/departments/intermemorial/news/654
Photo : Irina Galkova

Voir aussi: La chronologie complète de l’affaire Dmitriev