Chronique de la Russie qui proteste // 25 – 30 septembre 2023
En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.
Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.
La ville parle
Dans le centre d’Ekaterinbourg, un portrait de Vladimir Poutine derrière les barreaux a été placardé sur une armoire de distribution de gaz entourée d’une clôture, dans la cour d’un ensemble d’immeubles de la rue Karl Marx.
A Ivanovo, sous les banderoles publicitaires du service militaire, quelqu’un a attaché des rubans de deuil noirs. Comme l’a mentionné la chaîne Telegram « Les gens libres d’Ivanovo » il s’agit « d’un rappel de la manière dont se terminent ces campagnes de mobilisation. »
Dans la ville de Berezniki (Krai de Perm), Elena Gousseva a écrit « NON À LA GUERRE » sur les grilles du siège de la société volontaire d’assistance à l’armée, l’aviation et la marine de Russie (DOSAAF). Après que cette dernière ait refusé de payer l’amende, le tribunal l’a soumise à un travail d’intérêt général consistant à repeindre ces mêmes grilles.
Piquets solitaires
Le 26 septembre, devant la Cathédrale Notre-Dame-de-Kazan à Saint-Pétersbourg, Dimitri Kouzmine a été arrêté et placé en garde à vue alors qu’il tenait à un piquet solitaire avec une pancarte « Pour notre liberté et la votre. Paix à l’Ukraine, liberté pour la Russie ».
Le 27 octobre, à Oufa, Albert Iskoujine a tenu un piquet anti-guerre devant la stèle de la déclaration des droits de l’Homme. Albert y est sorti avec une pancarte annonçant « Les vieux déclarent la guerre et les jeunes y meurent. Non à la guerre. »
Le 29 octobre, près de la pierre des Solovki, à Moscou, Anna Sliva a été arrêtée pour avoir participé à un piquet avec une pancarte déclarant « Non à la guerre. Cessez de tuer et d’arrêter des personnes pacifiques. Liberté aux prisonniers politiques. Procès aux vrais criminels Kadirov et Poutine. » Au poste de police, on lui a dressé un procès-verbal pour « discrédit de l’armée ».
« Souhaiter la paix n’est pas un crime ! Je suis contre la guerre. » C’est avec une affiche de ce type qu’Artem Belski a tenu un piquet, le 30 septembre, devant la cathédrale de Notre-Dame-de-Kazan à Saint-Pétersbourg. Il a été arrêté et conduit au poste de police où l’on a dressé un procès-verbal pour « discrédit de l’armée ».
Sabotage
Une habitante d’Omsk a été arrêtée à Vladivostok pour complicité dans l’incendie criminel d’un centre de recrutement militaire. Selon la police, elle aurait filmé une autre personne en train d’incendier le centre de recrutement.
Persecutions
Une nouvelle affaire pénale a été ouverte pour préparation d’un acte de sabotage contre Serguei Novikov, un habitant de Kazan déjà arrêté pour sa participation à la fictive légion “Liberté de la Russie”. Comme l’écrit le journal “Kommersant”, des éléments d’alimentation électrique, des minuteurs de détonateurs, des drones et plusieurs kilogrammes de composants pour des explosifs ont été découverts dans l’appartement de Novikov. L’homme arrêté aurait eu l’intention de faire exploser des équipements du terrain militaire de l’école supérieure de commandement de chars de Kazan.
A Moscou, le tribunal du district de Presnenski a condamné le manifestant Igor Kornilaev a une amende de 30 000 roubles (environ deux fois le salaire minimum) en vertu de l’article sur le discrédit de l’armée russe. Le procès-verbal contre Kornilaev a été dressé en août, il était alors sorti avec une pancarte : “ Non à la guerre. Liberté pour les prisonniers politiques.”
Le journaliste et homme politique de Tomsk Aleksei Chitik, fait désormais l’objet d’un avis de recherche en vertu de l’article sur les fake news concernant l’armée russe à cause de ses posts sur Odnoklassniki.
En Tchouvachie, un citoyen, qui a crié depuis son balcon des slogans “discréditant l’armée” a été condamné à 30 000 roubles (environ deux fois le salaire minimum).
Culture et art
A Barnaoul, Artem Sakharov a lu ses vers anti-guerre devant le monument à Pouchkine. Le poète a été arrêté et conduit au commissariat de police.
Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé en commun par l’Association Memorial, Le groupe de défense des droits humains de Kharkiv, Memorial Italia, Memorial Deutschland, Memorial CZ, Memoriał Polska et ADC Memorial.
Ont participé à l’élaboration de la version française : Apolline Collin, Marie-Claude Farison, Hélène Gauthier, Adrien Barre, Clémence Brasseur et toute l’équipe de traducteurs bénévoles de l’association Mémorial France. Remerciements à Riva Evstifeeva et Emilia Koustova pour leur travail de coordination et de relecture.
© Memorial / © Memorial France pour la version française.