Chronique de la Russie qui proteste // 25 novembre – 3 décembre 2023

Chronique de la Russie qui proteste // 25 novembre – 3 décembre 2023

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


La ville parle

Voici des autocollants et des graffitis anti-guerre dans différentes villes en Russie. Les descriptions disent : « Arrêtez ! », « Non à la guerre », « Non à la guerre. Semez des fleurs et pas la désolation ».

Protestation dans l’espace public

Le moscovite Dimitri Fedorov a été arrêté le 24 novembre pour avoir écrit sur la neige « Non à la guerre ». Il a été emmené au commissariat où a été dressé un procès-verbal pour discrédit de l’armée. Bien que pour ce type de délit la détention ne peut excéder trois heures, il a passé la nuit au poste, sous le coup d’un autre procès-verbal pour un soi-disant refus d’obtempérer. Fedorov a déclaré que les forces de l’ordre l’ont également menacé de poursuites pénales. 

Poursuites et persécutions judiciaires

En raison du slogan « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros », Olga Verkhossossova, originaire de Sotchi, a été condamnée à une amende de 40 000 roubles (2,5 fois le salaire minimum). Selon les conclusions du tribunal, elle se trouvait sur le territoire du port maritime de Sotchi et a crié ces mots aux militaires.


Youri Kardanov, de Cherkessk, a été condamné à une amende de 30 000 roubles (2 fois le salaire minimum). Il a écrit des commentaires « discréditant » l’armée dans l’un des groupes sur VKontakte, dans lequel la guerre en Ukraine était évoquée.


Evgueni Brajnikov, originaire d’Adyguée, qui a également laissé des commentaires anti-guerre sur Internet, a été condamné à une amende de 15 000 roubles (1 salaire minimum).


Alexander Bershadsky, un résident Temriouk dans le Kraï de Krasnodar, a été reconnu coupable ede discrédit de l’armée. On ne sait pas quelle peine lui a été infligée. Ivan Afanassiev, de Novorossiisk, a également été inculpé en vertu d’un article similaire. 


L’ancien militaire Oleg Borissenko a été condamné à une amende de 150 mille roubles (9,5 fois le salaire minimal) : il a déversé de la peinture sur une affiche avec les lettres Z et V, devenues des symboles de la guerre en Ukraine. L’homme a été reconnu coupable  de discrédit répété de l’armée russe. Dans le cadre de la même affaire, Borissenko a été condamné à six ans de prison avec sursis pour détention illégale d’explosifs : de la poudre périmée a été retrouvée chez lui au moment de la perquisition. A l’heure actuelle, les enquêteurs le poursuivent dans une autre affaire de discrédit de l’armée pour avoir cette fois-ci qualifié la guerre en Ukraine de criminelle dans une vidéo. L’année dernière, l’ex-militaire a reçu une amende de 30 mille roubles (environ 2 fois le salaire minimum) car sa voiture portait une lettre Z barrée.


Kirill Iarine, de Moscou, a partagé sur Facebook un post de la journaliste scientifique Irina Iakoutenko qui parlait des enfants dans les hôpitaux ukrainiens. Dans son partage, Iarine a ajouté le commentaire : «Si on se débarrasse de Poutine, on arrête la guerre. » Les policiers ont trouvé Iarine grâce au système de vidéosurveillance, après que quelqu’un ait écrit le mot « meurtrier » à côté du nom de Poutine dans un wagon du train périphérique. Les policiers ont ensuite commencé à chercher le coupable en analysant le contenu des réseaux sociaux. Après la découverte de la publication de Iarine sur Facebook, il a été placé en détention le 24 octobre. Le procès-verbal fait mention d’une inscription dans le wagon. Iarine a finalement été condamné à une amende de 50 mille roubles (environ 3 fois le salaire minimal) pour discrédit de l’armée russe. 


Andrei Etkeev, de la région de Kirov, a été condamné à cinq ans de prison pour avoir diffusé des prétendus « fakes sur l’armée russe motivé par sa haine de la politique » ; Etkeev a repris sur le reseau “Odnoklassniki” des émissions d’actualités et des publications médiatiques sur les crimes de l’armée russe, y compris sur le meurtre de civils à Boutcha.


Pour avoir reposté la vidéo d’Ilia Varlamov intitulée “Guerre sans but et sans fin : ce que cette année a fait à la Russie et à l’Ukraine”, Natalia Nabokina, résidente de Voronej, a été condamnée à une amende de 15 000 roubles (un salaire minimum) et a été déclarée coupable en vertu de l’article sur le discrédit de l’armée russe.


Piotr Nesterkov, 58 ans, a été accusé d’apologie publique du terrorisme et d’appel à l’extrémisme à cause de ses commentaires sur les réseaux sociaux ; il a été soumis de force à des soins psychiatriques. l’enquête contre Nesterkov a été ouverte au plus tard en février 2023. En juin 2022, il a envoyé un avis à la commission électorale de la République des Komis pour organiser un référendum sur la fin de la guerre, la poursuite de Poutine et de Michoustine et l’organisation de nouvelles élections présidentielles.


En raison de messages publiés dans le réseau Odnoklassniki, un habitant de Nijni Novgorod a été condamné à cinq ans et demi de colonie de régime général en vertu de l’article relatif à l’incitation au terrorisme sur Internet. Selon l’enquête, Anfalov a publié sur sa page des messages appelant à incendier des centres de recrutement militaire et à attenter à la vie d’un homme d’Etat russe pour mettre fin à sa carrière politique.


Un habitant de Krasnoïarsk, âgé de 41 ans, a été arrêté dans une affaire d’infox sur l’armée russe pour des messages anti-guerre sur le réseau VKontakte et des publications sur les événements de Boutcha.


En raison d’un drapeau ukrainien accroché sur la sangle de son sac à dos, Tamerlan Khairoutdinov, un résident de Kazan, a été condamné à une amende de 35 000 roubles (2,2 salaires minimums). Il a été reconnu coupable d’avoir discrédité l’armée russe.


L’activiste de Saint-Pétersbourg Vitali Ioffe a été condamné à une amende de 30 000 roubles (2 salaires minimums) pour avoir fait un piquet de soutien aux prisonniers politiques et contre la guerre le 17 septembre.

Sabotage

Un homme de 37 ans a été arrêté à Voronej pour préparation d’un acte terroriste dans un centre de recrutement militaire. Il est accusé d’avoir commis trois infractions criminelles. 

Autres formes de protestation

Un tribunal de Moscou a condamné Sergueï Averianov, professeur d’informatique, à une amende de 40 000 roubles (2,5 fois le salaire minimum) pour discrédit de l’armée. Lors d’un cours à l’école Tsvetaeva n° 1619, il avait écrit au tableau « Gloire à l’Ukraine ! Mort aux crétins russes” et dessiné une croix gammée.


Sergueï Badaev, un habitant du village de Debesy en Oudmourtie, a été condamné à une amende de 30 000 roubles (deux salaires minimums) pour discrédit de l’armée pour avoir crié « Gloire à l’Ukraine » dans un café de campagne la nuit.


La candidature d’Ekaterina Duntsova à la présidence de la Russie a été soutenue par 70 000 personnes. Il s’agit de Russes qui ont rempli un formulaire indiquant leur volonté de signer en faveur de Duntsova. Il faut encore 230 000 personnes pour commencer à recueillir de vraies signatures, a déclaré Ekaterina Duntsova. Cette militante et journaliste de la région de Tver a annoncé le 16 novembre qu’elle souhaitait se présenter à l’élection présidentielle. Mme Duntsova est une candidate à la position anti-guerre claire et nette. Elle a déclaré vouloir faire de la Russie un « État pacifique ». Par la suite, Ekaterina Duntsova a été convoquée au bureau du procureur pour connaître sa position à l’égard de la guerre en Ukraine.


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé en commun par l’Association Memorial, Le groupe de défense des droits humains de Kharkiv, Memorial Italia, Memorial Deutschland, Memorial CZ, Memoriał Polska et ADC Memorial.
Ont participé à l’élaboration de la version française : Apolline Collin, Marie-Claude Farison, Hélène Gauthier, Adrien Barre, Clémence Brasseur et toute l’équipe de traducteurs bénévoles de l’association Mémorial France. Remerciements à Riva Evstifeeva et Emilia Koustova pour leur travail de coordination et de relecture.
© Memorial / © Memorial France pour la version française.