Chroniques de la Russie qui proteste // 30 juin – 6 juillet 2025

Chroniques de la Russie qui proteste // 30 juin – 6 juillet 2025

Cas emblématique 

«Nous n’avons pas perdu notre voix et n’avons pas disparu»

Sur la photo : le prisonnier politique Alexeï Gorinov avec une pancarte : « Vous avez encore besoin de cette guerre ? »

Onze prisonniers politiques russes ont publié une lettre ouverte adressée aux dirigeants mondiaux, dans laquelle ils appellent à un échange immédiat de prisonniers de guerre et de civils entre la Russie et l’Ukraine, ainsi qu’à la libération des détenus malades. Parmi les signataires figurent Alexeï Gorinov, ancien député municipal de Moscou ; Daria Kozyreva, militante de Saint-Pétersbourg ; Boris Kagarlitski, sociologue et publiciste, ainsi que d’autres personnes condamnées pour « fausses informations » sur l’armée russe ou à des accusations « d’extrémisme ».

La ville s’exprime 

Voronej (District fédéral central)

Le ruban vert est un symbole de résistance à la guerre.

Moscou

Des billets de banque à Moscou portant une référence à l’article 353 du Code pénal : « Planification, préparation, déclenchement ou conduite d’une guerre d’agression ».

Moscou, Saint-Pétersbourg, Kalouga 

À Moscou, Saint-Pétersbourg et Kalouga (district fédéral central), des graffitis représentant le symbole de la Légion « Liberté pour la Russie » ont fait leur apparition. Ce groupe combat aux côtés des forces armées ukrainiennes contre l’armée de Poutine.

« La lutte vit chez ceux à qui cela n’est pas indifférent », écrit le canal « Résistance “Liberté pour la Russie”», appelant les Russes à soutenir le Légion.

Piquets de protestation solitaire et manifestations

Piquet traditionnel du samedi en soutien à la journaliste Maria Ponomarenko

Le militant Vladimir Soukhov a de nouveau tenu un piquet solitaire au centre de Novossibirsk. Il a rappelé que l’audience en appel dans l’affaire de Maria Ponomarenko aura lieu le 11 juillet. La journaliste a été condamnée pour « discrédit » à l’encontre de l’armée russe et accusée d’avoir agressé des employés de la colonie pénitentiaire.

« L’emprisonnement est un choc nerveux des plus terrifiants. […] Nous continuerons à soutenir Maria du mieux que nous pourrons, en essayant d’informer toute la société russe qu’elle n’est pas seule », a déclaré Soukhov.

Poursuites 

Un habitant de la région de l’Amour arrêté pour tentative d’incendie d’un bureau de recrutement militaire

Selon le FSB, un résident de la région de l’Amour (district fédéral d’Extrême-Orient) a tenté d’incendier un bureau de recrutement militaire afin d’empêcher l’envoi de personnes à la guerre en Ukraine. Il a été qualifié de membre actif d’un canal Telegram pro-ukrainien. Les autorités ont ouvert contre lui une procédure pénale pour acte de terrorisme, et il a été placé en détention provisoire. La date exacte de la tentative n’a pas été précisée par les services de sécurité.

Cinq ans de colonie pénitentiaire pour «traumatismes mentaux» causés par la Russie

En novembre 2024, selon le Comité d’enquête de la Fédération de Russie, une habitante de 17 ans originaire d’Arkhangelsk (dont le nom n’a pas été révélé) avait exprimé son soutien à « l’idéologie du terrorisme » dans des chats publics d’une messagerie et publié des « contenus incitant à des activités terroristes et extrémistes ». Elle avait été arrêtée et placée en détention provisoire. Lors de son interrogatoire par le FSB, la jeune fille avait déclaré que la Russie lui avait causé de nombreux « traumatismes mentaux », tandis que les Ukrainiens, selon elle, ne lui avaient « rien fait de mal ».

Le 30 juin 2025, elle a été condamnée à 5 ans de colonie pénitentiaire pour « appels publics au terrorisme et à l’extrémisme ».

Une institutrice condamnée à sept ans de prison pour avoir donné une « leçon de bonté »

Au printemps 2022, Natalia Taranouchenko, professeure de russe et de littérature en banlieue de Moscou, avait donné une « leçon de bonté » au cours de laquelle elle avait parlé aux élèves des événements survenus à Boutcha, en Ukraine, et avait montré une vidéo où une fillette ukrainienne racontait la mort de sa mère. Taranouchenko avait comparé les actions de la Russie à la politique de l’Allemagne nazie dans les années 1930.

Une procédure pénale avait été ouverte en juin 2024. Deux jours plus tard, la professeure, âgée de 65 ans, avait quitté la Russie.

Le 23 juin 2025, Natalia Taranouchenko a été condamnée par contumace à sept ans de colonie pénitentiaire à régime général pour diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe.

À l’annonce du verdict, Natalia a réagi : « Bien sûr, une telle condamnation augmente l’estime de soi : je comprends que je n’ai pas vécu en vain, que j’ai prodigué un bon enseignement aux enfants. J’espère qu’ils se souviendront souvent de moi : ce sont des leçons qu’on n’oublie pas. »

Amende pour une publication datant de trois ans

Polina Ivanova, architecte à Iekaterinbourg (district fédéral de l’Oural), avait publié un message sur Facebook en février 2022. Trois ans plus tard, en avril 2025, ce post a été découvert par la police.

Elle a été condamnée à une amende de 40 000 roubles (soit 1,8 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie) pour « discrédit à l’encontre de l’armée ». 

Dix jours d’arrestation pour un post pro-ukrainien

Mikhaïl Souvorov, docteur en philologie et enseignant à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg (SPbGU), avait publié en mars 2022 un message sur VKontakte, où il « glorifiait l’Ukraine » et qui contenait un « salut à la légion ukrainienne ». Mikhaïl avait expliqué qu’il avait rédigé ce message à l’intention de ses amis ukrainiens, mais avait oublié de le supprimer.

Le 30 juin 2025, il a été condamné à 10 jours d’arrestation administrative, sur la base d’un procès-verbal lié à l’usage de symboles interdits.

16 ans de prison pour un hacker sibérien accusé d’attaques contre des sites russes

Selon l’enquête, Andreï Smirnov, un pirate informatique originaire de Kemerovo (district fédéral de Sibérie), « partageant une position pro-ukrainienne », avait rejoint en 2022 une unité cybernétique agissant dans l’intérêt des services de renseignement ukrainiens et avait ensuite mené des attaques de piratage contre les ressources d’information de l’Internet russe. L’accusation avait affirmé que ces attaques avaient « perturbé le fonctionnement d’infrastructures critiques du pays ».

Andreï Smirnov a été reconnu coupable de haute trahison. Il a été condamné à une amende de 100 000 roubles (soit 4,45 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie), ainsi qu’à 16 ans de colonie pénitentiaire à régime sévère.

Une habitante de Nijni Novgorod poursuivie pour collecte d’informations sur une entreprise de défense

Selon le FSB, une résidente de Nijni Novgorod recueillait, « pour des raisons idéologiques », des informations sur une entreprise locale du secteur de la défense, et les transmettait aux services spéciaux ukrainiens. Le FSB a montré une soi-disant correspondance  avec un représentant des services spéciaux ukrainiens, contenant des demandes de photos et de données sur des unités militaires et des systèmes de défense antiaérienne dans la région.

La femme a été arrêtée, et une procédure pénale pour haute trahison a été ouverte à son encontre.

Le FSB arrête une habitante de Saint-Pétersbourg pour préparation d’un acte terroriste 

Selon l’enquête, une jeune femme de 23 ans avait, en juin 2024, pris contact par messageries interposées avec les services spéciaux ukrainiens afin de participer à des activités de sabotage et de terrorisme. Elle avait écrit des slogans pro-ukrainiens dans des lieux publics et tenté d’incendier une voie ferrée. En avril 2025, elle avait planifié de placer un engin explosif artisanal sous la voiture d’un employé d’une entreprise publique à Saint-Pétersbourg. Elle a été interpellée par le FSB au moment de la pose de l’engin.

Elle est poursuivie pour tentative d’acte terroriste et détention illégale d’explosifs.

Un médecin accusé de terrorisme pour des commentaires anti-guerre

Egor Vochinine, un oncologue de 51 ans originaire de Saint-Pétersbourg, avait publié, en octobre 2023 et en décembre 2024, des commentaires dans des “chats Telegram pro-ukrainiens, appelant à des violences physiques” contre les dirigeants russes. Le 2 juillet, il a été arrêté pour « appels au terrorisme ».

Un procès-verbal pour des avatars

Elizaveta Snimchtchikova, représentante mandatée par la médiatrice des droits humains de la région de Kalouga, avait publié deux avatars sur Telegram : sur l’un, elle portait une broche en forme de cœur aux couleurs du drapeau ukrainien, l’autre affichait le slogan « Non à la guerre ».

Elizaveta a fait l’objet d’un procès-verbal pour « discrédit à l’encontre de l’armée russe ».

Arrestation pour le slogan « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! »

Alexeï Bédarev, un habitant du Primorié (Extrême-Orient russe), avait laissé dans le chat Telegram du canal Sasha Shpack Official le commentaire suivant : « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! ». Il a été accusé de « démonstration de symboles d’une organisation extrémiste » et placé en détention pour 12 jours.

Poursuite pénale pour un post sur une frappe contre la centrale de Tchernobyl

Piotr Sirotiouk, un artiste de Novokouznetsk (district fédéral de Sibérie), avait publié le 15 février sur VKontakte un message réagissant à une frappe de drone contre le sarcophage de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Il écrivait notamment :

Il a été accusé de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe.

Piotr Sirotiouk est un artiste connu à Novokouznetsk, qui est né à Odessa.

Tu finances l’armée ukrainienne ? 12 ans de colonie pénitentiaire 

Selon les services spéciaux, Sergueï Samoïlov, un pilote de l’aviation civile âgé de 56 ans, avait « pris l’initiative de contacter un bénévole » collectant des fonds pour les forces armées ukrainiennes. Il avait reçu des instructions et transféré de la cryptomonnaie sur le compte indiqué.

Il a été accusé de haute trahison et condamné le 4 juillet à 12 ans de détention.

Combien coûte un commentaire anti-guerre ?

Dmitri Bolytchev, manager d’une entreprise informatique à Vladivostok, avait laissé un commentaire sur la chaîne Telegram du média NEWS.VL, où il écrivait notamment : « …La Russie tue des Ukrainiens. Les chaînes nationales appellent à la mort des Ukrainiens et à la destruction de leurs villes. On refuse à l’Ukraine sa propre personnalité, et à ses citoyens, le droit à l’autodétermination. C’est exactement ce que font les nazis. »

Le 4 juillet, Dmitri a été reconnu coupable de « discrédit » à l’encontre des forces armées russes et condamné à une amende de 30 000 roubles (soit 1,33 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).