Chronique de la Russie qui proteste // 09 – 15 juin 2025

Chronique de la Russie qui proteste // 09 – 15 juin 2025

Cas emblématique 

Recours auprès de la Cour constitutionnelle contre l’article sur les « fausses informations”

L’ancien député municipal Alexeï Gorinov a déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie contre l’article relatif à la diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe. C’est en vertu de cet article que l’ex-député a été condamné à sept ans de prison.

Dans son recours, Alexeï a souligné l’inconstitutionnalité de cet article, affirmant qu’il vise à réprimer la dissidence en Russie et à appliquer des mesures répressives contre ceux qui ne partagent pas la position des autorités.

La Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a refusé d’examiner la plainte. Dans sa décision, elle déclare que l’article sur les « fausses informations » ne viole pas la Constitution, car il n’empêche pas d’exprimer une opinion sur les actions de l’armée — tant que cela ne concerne pas la diffusion délibérée de fausses informations.

Commentant la décision de la Cour, l’avocate Violetta Fitzner a déclaré :

« Nous pouvons tirer notre propre conclusion : l’État continue d’avoir peur des personnes qui ont leur propre opinion et ne sont pas influencées par la propagande, et il est prêt à tout pour faire taire ces voix. »

La ville s’exprime 

Irkoutsk (District fédéral de Sibérie)

«PAIX»

Kazan (District fédéral de la Volga)

«Les funérailles de Poutine, instigateur de la guerre»

Piquets de protestation solitaire et manifestations 

Piquets solitaires à Novossibirsk

Dans le centre de Novossibirsk (District fédéral de Sibérie), les militants Vladimir Soukhov et Helix Safin ont organisé des piquets de protestation solitaire avec des pancartes pour exprimer leur soutien à la prisonnière politique Maria Ponomarenko, condamnée pour ses publications anti-guerre, et pour rappeler la violation du droit constitutionnel à la libre diffusion de l’information.

Dans son intervention, Helix Safin a évoqué l’article 29 de la Constitution russe, qui garantit la liberté de pensée, d’expression et interdit la censure.

Les deux militants ont souligné qu’ils considéraient comme de leur devoir de rappeler le droit des citoyens à l’accès à l’information et de soutenir ceux qui souffrent pour avoir exprimé leur opinion.

À Novossibirsk, des « samedis de protestation » ont lieu chaque semaine.

Déprédations et sabotages 

Une tour de communication détruite près d’une unité militaire

Les résistants du mouvement «Liberté pour la Russie» ont annoncé l’incendie d’une tour de communication située près de l’unité militaire n°22669 dans le kraï de Khabarovsk (District fédéral de l’Extrême-Orient).

Selon leur déclaration, l’objectif de l’attaque était de perturber les communications de l’armée russe. «La résistance reçoit de plus en plus souvent des informations cruciales de la part de Russes engagés, et prouve une fois de plus sa capacité à les utiliser efficacement», indique le communiqué du mouvement, précisant que les coordonnées exactes de la tour leur avaient été transmises par un informateur local.

Poursuites 

20 ans de prison pour fabrication d’explosifs

Irina Izmaïlova, une artiste de 36 ans et militante anti-guerre originaire de Samara (District fédéral de la Volga), aurait, selon l’enquête, fabriqué du tripéroxyde d’acétone (TATP) plusieurs mois avant une perquisition menée sans la présence d’un avocat. Lors de cette perquisition, les agents ont affirmé avoir découvert des traces d’explosifs. Les enquêteurs ont insisté sur le fait qu’Izmaïlova adhérait soi-disant à une « idéologie radicale pro-ukrainienne ».

Le 11 juin, elle a été condamnée à 20 ans de prison et à une amende de 250 000 roubles (soit 11,1 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie), après avoir été reconnue coupable de « fabrication d’explosifs » et de « haute trahison ».

Sa défense soutient que les poursuites pénales sont liées à son engagement anti-guerre. Irina Izmaïlova ne cachait pas ses convictions civiques, menait une activité publique contre la guerre et publiait régulièrement des critiques du régime sur les réseaux sociaux.

Amende pour un commentaire sur les militaires russes

Sergueï, un habitant d’Anjero-Soudjensk (District fédéral de Sibérie), avait fait ce commentaire au sujet des militaires russes : « Eh bien oui, c’est normal, les pillards de Choïgou crèvent comme des mouches. »

Le 12 juin, le tribunal l’a reconnu coupable « d’incitation à la haine » et l’a condamné à une amende de 10 000 roubles (soit 0,45 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Un étudiant de 23 ans contre la guerre

Dmitri Toktarov, étudiant de 23 ans à l’Université d’Agriculture de Tchouvachie (District fédéral de la Volga), avait écrit plusieurs slogans anti-guerre : « Une Russie sans Poutine », « Poutine est un trou du cul. Non à la guerre ! » avec un Z barré, et « Poutine — pushtedyche ! » (« meurtrier » en langage marie). Pour la première inscription, le 12 juin, il a été reconnu coupable de « vandalisme » et condamné à une amende de 10 000 roubles (soit 0,45 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie). Les verdicts concernant les deux autres inscriptions n’ont pas encore été rendus.

Une fonctionnaire qualifie de héros l’incendiaire d’un bâtiment de la Garde nationale

Irina M., 45 ans, spécialiste du département du travail de mobilisation au sein du gouvernement du kraï de Khabarovsk (District fédéral de l’Extrême-Orient), avait laissé en juin 2022 un commentaire favorable à Vladimir Zolotarev, un habitant de Komsomolsk-sur-l’Amour qui avait incendié un bâtiment de la Garde nationale (Rosgvardia) pour protester contre la guerre. Irina l’avait qualifié de « héros » et avait fait remarquer qu’il restait « peu de personnes assez courageuses ».

Trois ans plus tard, le commentaire a été découvert par des agents du Centre « E » (lutte contre l’extrémisme), et une procédure pénale a été ouverte à son encontre.

Il a dit «Gloire à l’Ukraine» dans un message vocal — il est condamné à une amende

Valeri Kiritchenko, habitant de Stary Oskol (District fédéral central), avait envoyé plusieurs messages vocaux à son épouse, dans lesquels on entendait notamment les phrases suivantes : « Gloire à l’Ukraine ! Je viens d’Ukraine en fait <…> j’ai une telle haine envers vous, envers vos Russes… ». Kiritchenko a été reconnu coupable « d’incitation à la haine et à l’hostilité » ainsi que de « démonstration de symboles interdits ». Pour la première infraction, il a écopé d’une amende de 10 000 roubles (soit 0,45 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie), et pour la seconde, d’une amende de 1 000 roubles (soit 0,045 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Cinq ans et demi de colonie pour un commentaire sur Telegram

En 2023, Evgueni Melikhov, un entrepreneur originaire de Tcheliabinsk, avait commenté une actualité liée à la mobilisation pour la guerre en Ukraine dans un canal Telegram. Le contenu exact du commentaire n’a pas été rendu public.

Lors d’une perquisition à son domicile, les forces de l’ordre avaient découvert sur son téléphone des « abonnements à des chaînes anti-russes ». Melikhov avait reconnu être opposé à la guerre et avoir publié ce message en soutien à l’Ukraine.

Il a été condamné à cinq ans et demi de privation de liberté pour « incitation à commettre un crime à caractère terroriste ».