Chronique de la Russie qui proteste // 7 – 13 avril 2025

Chronique de la Russie qui proteste // 7 – 13 avril 2025

La ville s’exprime

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


Rostov-sur-le-Don (district fédéral du Sud)

Le “ruban vert” est un symbole de résistance à la guerre.

Nijni Novgorod (District fédéral de la Volga)

Le “ruban vert” est un symbole de résistance à la guerre.

Moscou, Quai Yauzkaya

Le “ruban vert” est un symbole de résistance à la guerre

Saint-Pétersbourg

«Il est temps de mettre fin à l’opération militaire spéciale».

Piquets de protestation solitaire

À Novossibirsk (district fédéral de Sibérie), les piquets en soutien à la prisonnière politique anti-guerre Maria Ponomarenko continuent.

Le 9 avril, la militante Elena Tardassova-Youn a mené un piquet de protestation solitaire contre le fait que la journaliste emprisonnée Maria Ponomarenko ne reçoive pas les formulaires pour répondre à ses courriels, bien qu’ils aient été payés par leurs expéditeurs.

Le 11 avril, le retraité Vassili Semeniouk, sorti sur la place de Lénine, à Novossibirsk, avec une pancarte en soutien à Maria Ponomarenko, estime que c’est grâce aux actions publiques que la journaliste n’a pas été envoyée en cellule disciplinaire.

Le 12 avril, le militant Vladimir Soukhov a mené un piquet solitaire pour exiger la libération de Maria Ponomarenko :

« C’est une affaire bien connue. Cette femme est emprisonnée à cause de sa vulnérabilité, sa sensibilité face aux désordres dans notre pays et aux violations de la justice. Oui, elle a réagi vivement, mais selon moi, ce n’est pas une raison pour torturer une jeune femme au moyen de cellules d’isolement punitif, de séjours en prison, et de refus de soins médicaux », a-t-il déclaré.

Sabotages

Incendie criminel d’une tour de communication à Riazan (District fédéral central)

Le 8 avril, le canal Telegram « Résistance – Liberté de la Russie » a annoncé que des partisans de la Résistance avaient incendié une tour de communication située à Ryazan, près de l’unité militaire n° 86735.

Poursuites 

Poursuites pour appels aux militaires russes à rejoindre les forces armées ukrainiennes

Un habitant de 23 ans de la région d’Orel (district fédéral central) fait l’objet de poursuites pénales pour avoir publié des messages appelant les militaires russes à passer du côté de l’armée ukrainienne et à coopérer avec celle-ci en transmettant des informations sur les positions et les effectifs des troupes russes dans la zone de combat. Il est accusé d’« appels au terrorisme et à des activités menaçant la sécurité de l’État ». L’accusé a été arrêté et transféré dans un centre de détention provisoire à Moscou.

Un message de félicitations pour la Journée du renseignement militaire ukrainien, qualifié de terrorisme 

Un habitant de Voronej (district fédéral central), Gueorguiy V., avait, selon les enquêteurs, pris contact via l’application Signal avec des membres du « Corps des volontaires russes ». Pour prouver sa loyauté, il avait enregistré une vidéo avec une affiche portant l’inscription « Z Dnem GUR » (“Joyeux anniversaire du GUR”, de la Direction principale du renseignement), publiée par le Corps le jour anniversaire de la fondation de la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense ukrainien, le 7 septembre.

Une procédure pénale a été ouverte à son encontre pour « appels publics au terrorisme et apologie de celui-ci ».

Le découpage d’une affiche de militaires russes assimilé à un « discrédit à l’encontre de l’armée »

Timour Stolnikov, originaire de Kabardino-Balkarie (district fédéral du Caucase du Nord), avait découpé des affiches représentant des soldats russes tués au combat, qui étaient placardées au mur d’une épicerie. Il a été reconnu coupable de « discréditer l’armée russe » et condamné à une amende de 15 000 roubles (0,7 fois le salaire minimum en Russie).

Comment des guillemets ont discrédité les forces armées russes

Une habitante de Megion (district fédéral de l’Oural) avait qualifié les militaires russes de « soi-disant « défenseurs » » dans une publication en ligne. Le tribunal a estimé que l’usage des guillemets et de l’expression « soi-disant » constituait un discrédit à l’encontre de l’armée. La femme a été condamnée à une amende de 30 000 roubles (1,3 le salaire minimum en Russie).

Une survivante du blocus accusée de discréditer l’armée après un piquet de protestation solitaire contre la guerre

Le 24 février, Ludmila Vassilieva, 84 ans, survivante du blocus de Leningrad, avait tenu un piquet de protestation solitaire devant le Gostiny Dvor à Saint-Pétersbourg (district fédéral du Nord-Ouest) avec une pancarte disant : « Bonnes gens, arrêtons la guerre ! Nous sommes responsables de la paix sur la planète Terre ». Les policiers ne l’avaient pas interpellée sur le moment, mais le 9 avril, on a appris qu’un procès-verbal avait été établi à son encontre pour « discrédit à l’encontre de l’armée ».

Le tribunal a renvoyé le dossier à la police en raison d’irrégularités de procédure.

Ludmila Vassilieva lors de son piquet / Photo : SOTAvision

Pour un commentaire sur le tireur ayant blessé un commissaire militaire, une habitante d’Oust-Ilimsk accusée d’apologie du terrorisme

Pour son commentaire sur Rouslan Zinine, originaire d’Oust-Ilimsk et condamné à 19 ans de prison pour avoir blessé, à l’automne 2022, un commissaire militaire avec un fusil à canon scié, , une habitante de la même ville a été condamnée à une amende de 360 000 roubles (16 fois le salaire minimum en Russie) pour « apologie du terrorisme ».

Après dénonciation de leur directeur, deux étudiants condamnés à la colonie pénitentiaire pour une vidéo critiquant l’armée russe 

En 2023, encore lycéens à l’époque, Egor Starshinov et Kirill Smirnov avaient enregistré une vidéo après un cours d’histoire, dans laquelle ils discutaient de l’Ukraine, de la Russie, de leurs enseignants et critiquaient l’armée russe. La vidéo avait été publiée sur un canal Telegram privé comptant 26 abonnés.

Après dénonciation du directeur du lycée, une enquête pénale avait été ouverte contre les adolescents pour diffusion en groupe de « fausses informations sur l’armée ». Le 10 avril, les deux jeunes ont chacun été condamnés à 2 ans et demi de colonie pénitentiaire à régime général.

Poursuites pour un commentaire sous une vidéo de Margarita Simonian évoquant une explosion nucléaire au-dessus de la Sibérie

Sous une publication de Margarita Simonian affirmant qu’« il n’y avait rien de terrible dans une explosion nucléaire au-dessus de la Sibérie », un habitant de Krasnoïarsk, Vyacheslav K. avait fait ce commentaire : « Il faudrait frapper Moscou, ou mieux encore le Kremlin. »

Une procédure pénale a été ouverte contre lui pour « appels au terrorisme ».

Une habitante de Saint-Pétersbourg arrêtée pour avoir crié « Gloire à l’Ukraine ! »

Le soir du 11 avril, à Saint-Pétersbourg (district fédéral du Nord-Ouest), à l’issue du spectacle Absence, au café Art Hall, Vassilissa Magritskaïa aurait soi-disant crié : « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! ».

Après dénonciation de la scénariste du spectacle, la poétesse ukrainienne Ievguenia Bilchenko, elle a été arrêtée et condamnée à cinq jours de détention pour « trouble mineur à l’ordre public ».

Un consultant en marketing moscovite placé en résidence surveillée pour des publications anti-guerre

Vassili Bojovski, un consultant en marketing basé à Moscou, a été accusé de diffusion de « fausses informations sur l’armée » en lien avec ses publications anti-guerre. Le 10 avril, il a été placé en résidence surveillée.

Un adolescent condamné à 7 ans et demi pour avoir incendié une armoire à relais ferroviaire

Un adolescent de 17 ans, originaire de la région d’Orel (district fédéral central), a été condamné à 7 ans et demi de colonie éducative pour “haute trahison”, après avoir incendié une armoire à relais sur la ligne ferroviaire « Orel – Stalnoï Kon ». Selon les autorités, l’acte aurait été commandité par un inconnu lié aux forces armées ukrainiennes.

« L’accusé avait déjà été condamné pour sabotage », a précisé le FSB régional.


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.