Chroniques de la Russie qui proteste // 10 – 16 juillet 2023
En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.
Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.
La ville parle
« Non à la guerre ». Inscription sur le sol à un arrêt d’autobus à Podolsk ( région de Moscou)
Inscriptions « Non à la guerre » dans les rues de villes russes
Moscou, Boutovo-Sud.
Meetings et actes individuels de protestation
Le 13 juillet, à Voronej, N.Boussov est sorti dans la rue et a brandi une affiche « Libérez Navalny. Paix pour l’Ukraine ». Il a été interpellé.
Le 15 juillet, Andrei Mikhalevskii s’est posté à la station de métro Kouptchino (Saint-Pétersbourg) avec une affiche « Non à la guerre ». Il a été interpellé, mais la police l’a relâché sans dresser de procès-verbal.
Poursuites pénales
Kirill Pikougine, de la ville de Nevinnomysk (région de Stavropol) a été inculpé pour « réhabilitation du nazisme ». Il a été assigné à son domicile pour avoir collé un autocollant avec le mot Boutcha sur le monument « L’étoile des héros ». La photo de cet autocollant a été postée en novembre 2022 sur le canal Telegram « Protestations publiques, qui publie anonymement les graffitis et les tracts anti-guerre envoyés par les citoyens russes.
Olga Avdeeva, chirurgienne et mère de 5 enfants, résidant à Ijevsk, a été inculpée pour « discrédit des forces armées russes». Le prétexte – Avdeeva a protesté, à plusieurs reprises, avec une affiche anti-guerre ; elle a, en outre, inscrit « Fascistes » sur l’une des façades du Théâtre de ballet et d’opéra d’Ijevsk décorée de la lettre Z aux couleurs de l’ordre de Saint Georges. Avdeeva a dit qu’elle avait fait cette inscription il y a un an. Ce qui a attiré l’attention de la police c’est sa sortie récente avec une affiche « La Russie fait du Mal » près du théâtre.
Alexei Volski, de Nijni-Novgorod, a été inculpé pour « diffusion de fausses nouvelles » après avoir posté sur le réseau social VKontakte le message suivant : « De nombreux habitants locaux ont été tués. Partout règne la désolation. Les occupants russes et le gouvernement russe sont entièrement responsables de ces crimes innommables ».
D’après Christina Tiourina, avocate de OVD-Info, un groupe d’OMON s’est présenté hier au domicile de Volskii. Aujourd’hui, le tribunal l’a assigné à résidence sous contrôle judiciaire à son domicile jusqu’au 5 septembre. Depuis son enfance, Volskii est titulaire d’une carte d’invalidité de 2ème catégorie. Malgré cela, la juge l’a mis sous contrôle judiciaire.
Valeria Timochenko (région de Magadan) a écopé de 7 procès-verbaux pour ses commentaires anti-guerre postés sur les réseaux sociaux. Le tribunal l’a condamné à trois reprises à payer une amende de 30 000 roubles, deux fois à effectuer 40 heures de travaux d’intérêt général et une fois à 50 heures de travaux d’intérêt général. On ne connaît pas, pour l’heure, la sentence du tribunal pour la septième infraction.
L’activiste Alexis Kapoustine, de la région de Krasnoïarsk, a été inculpé de discrédit de l’armée en récidive.Kapoustine est sorti à maintes reprises avec une pancarte contre la guerre et pour la libération des prisonniers politiques. D’après l’information donnée par le réseau social Avtozak LIVE, Kapoustine est notamment accusé d’avoir posté des commentaires sur le site régional NGS 24. Ru à propos du décès d’un militaire mobilisé. Dans ces commentaires, Kapoustine a condamné la guerre d’agression contre l’Ukraine et critiqué Poutine. Il a aussi qualifié l’auteur de la publication de criminel de guerre.
Protestations en ligne
Ivan Darovskikh, habitant de Kirov, a écopé d’une amende pour avoir posté le commentaire suivant sur le réseau social VKontakte : « Ouvrez vos yeux. Nous avons attaqué un pays voisin, tué des dizaines de milliers de gens, privé des millions de personnes de leur foyer ».Le 14 juillet, nous avons appris que I.Darovskikh a fait l’objet d’une inculpation pour « discrédit des forces armées russes » Il risque une amende de 30 à 50 000 roubles.
Batyra Jaboiev, habitant de Naltchik, a été inculpé pour « discrédit des forces armées russes ». D’après les données officielles, il aurait posté sur Instagram une vidéo évoquant les massacres commis par les forces armées russes de civils en Tchétchénie et en Ukraine. D’après ASTRA, les actions des forces armées russes sont qualifiées de « fascistes » .
Le tribunal de Tcheboksary a infligé à l’activiste Oleg Elkin une amende de 30 000 roubles pour discrédit des forces armées russes. Elkin avait diffusé sur le réseau social VKontakte un rapport de l’ONU sur les pertes civiles en Ukraine.
Alexandre Semisynov, de Magadan, a été incarcéré pour quatre jours. Le prétexte ? Avoir posté sur Telegram « Vive l’Ukraine, gloire aux héros » et d’autres slogans similaires.
Rasim Gamidov, de la région de Stavropol, a écopé d’une amende de 30 000 roubles pour avoir écrit sur son compte VKontakte « Défendre sa Patrie se fait sur le territoire de sa Patrie. Si cela se fait en territoire étranger, ce n’est pas une défense de la Patrie, c’est une agression ».
Autres
La Sberbank a bloqué les comptes de la journaliste Galina Artemenko, du prêtre Grigorii Mikhnov-Vaïtenko et d’autres activistes anti-guerre qui collectaient des fonds pour l’aide aux réfugiés ukrainiens. D’après Artemenko, la direction de la Sberbank a justifié sa décision par le fait que les fonds en question étaient collectés « dans un but douteux ». « Oui, j’ai acheté des médicaments, de la nourriture et d’autres produits pour les réfugiés ukrainiens. Ce sont là pour vous sans doute des « buts douteux » a commenté la journaliste.
Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé en commun par l’Association Memorial, Le groupe de défense des droits humains de Kharkiv, Memorial Italia, Memorial Deutschland, Memorial CZ, Memoriał Polska et ADC Memorial.
Ont participé à l’élaboration de la version française : Apolline Collin, Marie-Claude Farison, Hélène Gauthier, Adrien Barre, Clémence Brasseur et toute l’équipe de traducteurs bénévoles de l’association Mémorial France.
© Memorial / © Memorial France pour la version française.