Chroniques de la Russie qui proteste // 28 avril – 4 mai 2025

Chroniques de la Russie qui proteste // 28 avril – 4 mai 2025

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


La ville s’exprime

Taganrog (District fédéral du Sud)

Le ruban vert est un symbole de la protestation contre la guerre.

Riazan (District fédéral central)

Inscription sur le ruban : « Non à la guerre ».
Le ruban vert est un symbole de la protestation contre la guerre.

Blagovechtchensk (District fédéral d’Extrême-Orient)

Inscription sur le ruban : « Non à la guerre ».
Le ruban vert est un symbole de la protestation contre la guerre.

Piquets

Samedi de protestation à Novossibirsk pour la liberté de la prisonnière politique anti-guerre Maria Ponomarenko

Source des photos et vidéos : SOTAvision


Le 3 mai, un militant, Vladimir Soukhov a tenu un piquet de protestation solitaire sur la place Lénine à Novossibirsk (District fédéral sibérien) pour la libération de la journaliste Maria Ponomarenko, condamnée à 6 ans de prison ferme pour avoir diffusé des « fausses nouvelles » sur l’armée russe.

Poursuites

Un streamer moscovite avait qualifié les militaires russes de salopards et d’ivrognes : 4 ans de travaux forcés

Au printemps 2024, Alexandre Sokolovski, un moscovite âgé de 36 ans, avait traité les militaires russes de « salopards » et « d’ivrognes », en direct sur internet, puis avait affirmé que ceux qui vont se battre « pour Poutine » sont des « alcoolos». Il avait ajouté : « Les soldats russes qui participent à la guerre, écoutez-moi bien ! Moi et mes potes, nous allons vous n*quer la gueule, parce qu’en ce moment vous êtes là-bas en train de tuer nos frères, les ukrainiens, pour 3 francs 6 sous que l’on ne vous paie même pas », puis « Il faut s’unir et renverser le pouvoir, parce que Poutine ne mène à rien de bon. »

  Après sa dénonciation par Ekaterina Mizoulina, présidente de « La ligue de l’internet russe », Alexandre avait été inculpé pour « incitation à la haine » et placé en détention provisoire.

 Le 28 avril, on a appris qu’il avait été reconnu coupable et condamné à 4 ans de travaux forcés.

Procédure pénale pour non-dénonciation d’un proche, membre du Corps des volontaires russes 

Un informaticien de 42 ans de Berdsk (Sibérie) avait appris par des messages et une vidéo reçus d’un de ses proches, que ce dernier faisait partie du Corps des Volontaires Russes [NdR. Le Corps des volontaires russes est une organisation illégale paramilitaire composée de Russes combattant aux côtés de l’armée ukrainienne]. L’informaticien n’avait pas transmis cette information au Service Fédéral de Sécurité. Il est actuellement assigné à résidence, des poursuites pénales sont engagées contre lui.

1 an de restriction de liberté pour un adolescent de Kazan, auteur d’un graffiti « Poutine = guerre et misère »

Sévastian Soultanov, 15 ans, avait tracé 2 graffitis sur des passages piétons de l’avenue Voznesensky, à Kazan (République du Tatrstan) : « Navalny ! » et « Poutine = guerre et misère ! »  Les graffitis avaient fait leur apparition en octobre 2024 pendant le sommet des BRICS à Kazan. Le 20 octobre, « L’équipe de Navalny » avait publié les photos de ces inscriptions murales sur ses réseaux sociaux avec le commentaire suivant : « Protestation dans les rues de Kazan par des volontaires de notre mouvement ».

Deux jours plus tard, Sevastian avait été arrêté par des agents du centre «E», une perquisition avait été menée à son domicile, et ils avaient tenté de lui imputer des accusations de participation à une organisation extrémiste et d’acte terroriste. Toutefois, son jeune âge avait empêché de le poursuivre pour extrémisme, et les graffitis n’avaient pas pu être qualifiés d’ « acte terroriste ».

Le 28 avril, Sevastian Soultanov a été condamné à un an de restriction de liberté pour « vandalisme motivé par la haine politique». Il lui est interdit d’assister à des événements publics, de sortir de chez lui entre 22h00 et 06h00, et de quitter la ville sans en informer la police.

Dix ans et demi de prison pour incendie d’une armoire à relais

Anatoli Yansitov, originaire du Bachkortostan, travaillait comme ajusteur dans la région de Krasnodar. Le 23 mai 2024, il avait mis le feu  à une armoire à relais près de la gare de Krymskaya, en signe de protestation contre la guerre en Ukraine. Le matériel avait été entièrement détruit par les flammes, les dommages avaient été estimés à 452 000 roubles.

Le 28 avril, le tribunal régional de Krasnodar a condamné Anatoli Yansitov à 10,5 ans de prison pour « sabotage ». Il passera les 3 premières années de sa peine en prison, puis purgera le reste dans une colonie pénitentiaire à régime sévère.

Peine de prison pour des reposts sur les bombardements de Kramatorsk et Tchernihiv

Source de la photo : Sergueï Salazkine / VK

Sergueï Salazkine, un juriste de Bouzoulouka (région d’Orenbourg), avait publié sur le réseau social Odnoklassniki des messages sur les frappes de missiles russes à Kramatorsk et Tchenihiv. Sergueï avait été accusé de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe et, le 28 avril, le tribunal l’a condamné à un an et demi de détention dans une colonie pénitentiaire à régime ouvert. En attendant que le jugement entre en vigueur, Sergueï est assigné à résidence et cherche une solution pour faire garder ses 24 chats.

27 ans pour tentative d’empoisonnement de jeunes pilotes diplômés de l’Ecole militaire d’Armavir 

Selon l’enquête, Egor Semionov, originaire de Melitopol, avait reçu, de la part des services spéciaux ukrainiens, la mission d’empoisonner de jeunes pilotes diplômés de l’école militaire d’Armavir, lors d’une fête de fin d’études, contre la somme de 400 000 roubles. Il était prévu d’ajouter des doses toxiques d’un médicament puissant dans des boissons alcoolisées et un gâteau, envoyés par un coursier à l’occasion de l’événement. Cependant, les diplômés avaient refusé l’alcool et le gâteau.

Le 29 avril, le tribunal militaire du district Sud a reconnu Egor Semionov coupable d’attentat au moyen de substances toxiques ainsi que de haute trahison, et l’a condamné à 27 ans de prison, bien que le procureur ait requis la réclusion à perpétuité.

Peine de prison pour avoir eu l’intention de diffuser des tracts de la Légion Liberté pour la Russie 

Source de la photo : capture d’écran de la vidéo de SOTAvision

Roman Chport, un moscovite, avait déjà été condamné à 2 ans et 3 mois de colonie pénitentiaire à régime ouvert pour “apologie du terrorisme”, après avoir collé des tracts du Corps des Volontaires Russes. Il est à présent poursuivi pour sa participation à un groupe de discussion des sympathisants du « Mouvement populaire  Légion Liberté pour la Russie » .

L’enquête  a accusé Roman de collaboration directe avec la LLR, en affirmant que l’accusé correspondait avec elle et se préparait à  distribuer des tracts de la LLR.

Le 28 avril, le tribunal de Moscou a reconnu Roman Chport coupable de « coopération confidentielle » avec un Etat étranger et l’a condamné à 5,5 ans de détention en colonie pénitentiaire à régime général. Compte tenu de sa peine précédente, Roman passera 6 ans en détention dans différents établissements pénitentiaires.

Un électricien de Birobidjan, torturé au taser et condamné à 18 ans de prison pour intention d’incendier un centre de recrutement militaire

Alexeï Kelner, un électricien de 24 ans, originaire de Birobidjan, projetait, selon l’enquête, de mettre le feu, le 9 mai 2024 à un centre de recrutement pour le service militaire sous contrat. Il avait été arrêté la veille et torturé au taser. Un mois plus tard, le Service Fédéral de Sécurité avait ajouté de nouveaux chefs d’accusation à son dossier : espionnage au profit des services de renseignement ukrainiens et préparation d’incendies de relais ferroviaires.

Le 28 avril, le premier tribunal militaire du district de l’Est  a condamné Alexeï Kelner à 18 ans de prison pour « formation au terrorisme, haute trahison, préparation de sabotage et d’attentat ».

Une étudiante de Nijni Taguil condamnée pour un commentaire sur la mort d’un participant à l’opération spéciale  

Source de la photo : « Entre les lignes »

Ekaterina Sergueenko, une étudiante de 22 ans originaire de Nijni Taguil (district fédéral de l’Oural), a été condamnée à une amende pour avoir laissé un commentaire sous un message concernant la mort d’un participant à« l’opération militaire spéciale ». (commentaire publié dans le forum public Incidents de Nijni Taguil — Actualités). Le texte exact du commentaire n’est pas connu, mais selon le communiqué de presse du tribunal, « il exprimait une opinion négative sur les objectifs de l’utilisation des Forces armées de la Fédération de Russie ».

Ekaterina a été reconnue coupable de « discrédit répété » à l’encontre de l’armée russe et condamnée à une amende de 120 000 roubles russes (environ 5,35 fois le salaire minimum officiel en Russie).

12 ans de prison pour l’incendie d’une armoire à relais

Photo :  Tribunal militaire de garnison de Veliki Novgorod

Dans la nuit du 17 avril 2024, Mikhaïl Golik, un habitant de Veliki Novgorod, âgé de 20 ans, après avoir aspergé d’huile de moteur et d’un liquide inflammable une armoire à relais ferroviaire, y avait mis le feu, « n’étant pas d’accord avec la politique intérieure et extérieure menée par les autorités de la Fédération de Russie ». Le tribunal a reconnu Mikhaïl coupable d’acte terroriste et l’a condamné à 12 ans de prison : 3 ans en prison et 9 ans en colonie pénitentiaire à régime sévère.

Un poème anti-guerre de Daria Serenko discrédite l’armée russe

Sous une publication rapportant que de jeunes enfants sportifs avaient été alignés en forme de lettre Z, une habitante d’Obninsk, dans la région de Moscou, avait cité  le poème suivant de Daria Serenko :

« Les enfants ! Mettez-vous en rang, en forme de “Z”,
Il n’y a pas de meilleure lettre au monde !
tracée avec du sang,
Un demi-croix gammée de victoire.
On a gagné ? On a gagné :
On nous a envoyés, on a tué,
Eh bien quoi, tel était l’ordre,
S’ils disent “attaque”, on vous tuera aussi.
La mort, bien sûr, c’est mieux que la vie,
La lumière, bien sûr, c’est pire que l’ombre,
Bonne fête de la Victoire sur le fascisme,
Mais à présent, les fascistes, c’est nous… »

La police n’a pas apprécié la valeur artistique du poème et a dressé contre la militante un procès-verbal pour « discrédit » à l’encontre de l’armée russe.

12 ans de prison pour des dons à l’armée ukrainienne

Entre juin 2023 et avril 2024, Ekaterina Egorova, 29 ans, originaire de Tchita, avait effectué  plusieurs virements à destination des Forces armées ukrainiennes, assortis de notes en ukrainien tels que : « pour des caméras thermiques », « pour la reconnaissance aérienne », « pour un bouclier anti-drone ». Des agents du FSB  avaient arrêté Ekaterina alors qu’elle tentait de quitter la Russie, et l’avaient accusée de « haute trahison ». Le tribunal municipal de Novossibirsk a examiné l’affaire à huis clos et l’a condamnée, le 29 avril, à 12 ans de détention en colonie pénitentiaire et à une amende de 200 000 roubles russes (environ 8,9 fois le salaire minimum).


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.