La Cour suprême refuse de suspendre la procédure de liquidation de Memorial international

La Cour suprême refuse de suspendre la procédure de liquidation de Memorial international

La Cour suprême a refusé de suspendre la procédure de liquidation de Memorial international au titre de l’article 39 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le 22 mars, la juge Alla Nazarova a examiné la demande de Memorial international en suspension la procédure de liquidation. L’ONG, sur la base de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 29 décembre 2021 sur l’application de mesures provisoires conformément à l’article 39 du Règlement de la Cour, avait demandé à la Cour suprême de suspendre la liquidation (selon ce règlement, la Russie doit suspendre la liquidation jusqu’à ce que la CEDH se prononce sur la plainte de plusieurs ONG russes contre la loi sur les « agents étrangers ». C’est pour violation de cette loi que le Parquet général a exigé la liquidation de Memorial international, demande pleinement satisfaite par la Cour suprême).
La Cour suprême a décidé de ne pas faire droit à la demande car, selon elle, il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles pour suspendre la liquidation.

Memorial International était représenté par le président du conseil Ian Rachinski, les avocats Maria Eismont, Grigory Vaypan, Anastasia Garina et Tamilla Imanova.

Maria Eismont, l’une des avocates assurant la défense de Memorial International. Photo Alice Miltchin

Déroulement de l’audience

La cour a accepté les requêtes de Grigoriy Vaypan pour l’inclusion sous forme papier de documents dûment certifiés préalablement envoyés sous forme électronique, ainsi que pour le versement au dossier de la réponse du bureau du procureur général à la demande de l’avocate Maria Eismont sur la manière dont le bureau du procureur général entend assurer l’exécution de la demande de la CEDH (Le parquet ne prévoit pas d’actions visant à suspendre la liquidation).
Grigory Vaypan a rappelé que le report de la décision de liquidation relève de la responsabilité directe du tribunal russe, puisque les exigences de la Convention européenne des droits de l’homme sont toujours applicables dans ce processus, malgré le retrait de la Russie du Conseil de l’Europe.

Tamilla Imanova a rappelé que l’article 38 de la loi sur les traités internationaux (« sur les conséquences de la dénonciation d’un traité international »), selon lequel « la dénonciation d’un traité international par la Fédération de Russie libère la Fédération de Russie de toute obligation postérieure d’exécuter le traité sauf si ledit traité en dispose autrement. Or, le paragraphe 2 de l’article 58 de la Convention établit que la dénonciation ne libère pas la partie qui se retire des obligations qui lui incombent en vertu de la présente Convention à l’égard de tout acte qui aurait violé ces obligations et aurait été commis par elle avant la date effective de la dénonciation.

Maria Eismont a noté que suspendre l’exécution d’au moins une décision injuste et cruelle serait non seulement légal, mais aussi correct d’un point de vue humain.

Ian Rachinski a évoqué le fait qu’il est aujourd’hui extrêmement important pour la Russie de faire la démonstration de sa position vis-à-vis de ses obligations internationales : cela ne vaut pas la peine de fermer la fenêtre sur l’Europe ouverte par Pierre le Grand.
Viktoria Maslova, une des représentantes du bureau du procureur, a fait valoir que la décision de la CEDH n’est pas applicable dans cette affaire (on ne sait pas quand la CEDH examinera les plaintes, cela peut être retardé), de plus, il n’y a aucune raison objective, telle qu’une menace pour la vie et la santé. La requête en question, à son avis, indique que Memorial international n’a pas l’intention d’exécuter la décision du tribunal sur la liquidation.

À la question de Grigory Vaypan concernant la manière dont le bureau du procureur général va exécuter la décision de la CEDH, Victoria Maslova a fait référence à la réponse donnée à l’avocate Maria Eismont et adéclaré que la question elle-même n’était pas liée au sujet de l’audience.

Le représentant du ministère de la Justice, laissant la décision à la discrétion du tribunal, a mentionné la situation internationale (la Cour européenne des droits de l’homme pourrait ne jamais examiner les plaintes en vertu desquelles elle exige de suspendre la liquidation).

Les représentants du Roskomnadzor (le régulateur) ont soutenu la position du bureau du procureur général et du ministère de la justice.

Photo Alice Miltchin

Plaidoiries

Grigory Vaypan a exprimé sa surprise face à la position du bureau du procureur, qui a la possibilité de défendre les intérêts de la Russie devant la CEDH, et non de décider pour le tribunal comment administrer la justice.
Tamilla Imanova a rappelé que les obligations actuelles des parties en vertu du traité international résilié restent en vigueur et qu’il est nécessaire de les remplir.

Maria Eismont a noté que l’attitude négative envers les normes internationales suggère que les adversaires de Memorial dans cette procédure auraient bien besoin de l’expertise de Memorial dans l’application du droit international.
Victoria Maslova a quant à elle invoqué la priorité de la Constitution russe sur les traités internationaux.

Grigory Vaypan a objecté : le bureau du procureur n’a pas demandé à la Cour constitutionnelle d’établir s’il y avait des contradictions entre les traités internationaux et la Constitution.

La Cour a néanmoins décidé de ne pas faire droit à la demande de Memorial.

Photo Alice Miltchin

En savoir plus :

L’article 39