Chronique de la Russie qui proteste // 24 février –  2 mars 2025

Chronique de la Russie qui proteste // 24 février –  2 mars 2025

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


La ville s’exprime

Saint-Pétersbourg, Souzdal (district fédéral central), Iekaterinbourg (district fédéral de l’Oural) et autres villes

Le ruban vert est un symbole de résistance à la guerre.

Novossibirsk (district fédéral sibérien), Iaroslavl et Orel (district fédéral central), ainsi que d’autres villes

Le ruban vert est un symbole de résistance à la guerre.

Saint-Pétersbourg, Vladimir (district fédéral central), Novossibirsk (district fédéral sibérien) et Moscou

Non à la guerre.

Tver (District fédéral central)

Mémoriaux

Saint-Pétersbourg

Le 24 février, les habitants de Saint-Pétersbourg ont déposé des fleurs au monument du poète ukrainien Taras Chevtchenko, un symbole de solidarité avec l’Ukraine.

Moscou

Le 24 février, les Moscovites sont venus tout au long de la journée au monument de Lesya Ukrainka, sur le boulevard Ukrainski, apportant des fleurs, des messages tels que « Aux enfants tués, mutilés, orphelins à cause de l’opération militaire spéciale » et « Nous pleurons », ainsi que des jouets d’enfants.

Photo : SOTAvision

Moscou

Photo : SOTAvision

Le 24 février, les Moscovites ont également déposé des fleurs au Rocher des Solovki, un monument à la mémoire des victimes des répressions politiques, sur la place Loubianka.

Piquets de protestation solitaire

Piquet anti-guerre à Oufa (district fédéral de la Volga)

Photo : Aïda Nourieva

Le 24 février, Aïda Nourieva, originaire d’Oufa, a participé à une action avec une pancarte portant l’inscription : « Les voûtes séduisantes des palais ne remplaceront jamais la liberté. » [NdlR. Phrase tirée d’une chanson du dessin animé soviétique Les Musiciens de Brême.]

Piquet d’une survivante du blocus à Saint-Pétersbourg

Ludmila Vassilieva, 84 ans, survivante du blocus de Leningrad, a tenu un piquet solitaire près du Gostiny Dvor avec une pancarte :

« Nous tous, arrêtons la guerre ! Nous sommes responsables de la paix sur la planète Terre. » La police lui a demandé de mettre fin à l’action, mais n’a pas procédé à son arrestation.

Déprédations 

Incendie d’un poste de transformation à Toula

Selon la chaîne Telegram Résistance de la Légion, dans la nuit du 27 février, un poste de transformation électrique a été incendié à Toula (district fédéral central), à proximité d’un dépôt de réparation de wagons où étaient réparés des équipements ferroviaires utilisés pour l’approvisionnement de la guerre en Ukraine.

Un véhicule incendié dans une unité militaire de la région de Moscou

Le 2 mars, la chaîne Telegram ATESH [NdlR. «feu» en langue tatar, groupe de résistance à l’occupation russe, actif en Crimée et en Ukraine occupées] a rapporté une opération de sabotage dans une unité militaire située dans la région de Moscou. Un véhicule a été incendié.

Poursuites

Accusation de « discrédit » à l’encontre de l’armée russe et condamnation à une amende pour trois reposts sur les massacres de civils à Boutcha

Le journaliste Sergueï Mingazov, originaire de Khabarovsk (district fédéral d’Extrême-Orient), avait partagé entre le 3 avril et le 10 mai 2022 sur sa chaîne Telegram « Khabarovska Mingazeta » trois publications concernant les meurtres de civils à Boutcha. Ces messages provenaient des chaînes Telegram du journaliste Dmitri Kolezev, du projet Faridaily et de Sibir.Realii.

Mingazov avait été accusé de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe, motivée par la haine. Le procureur avait requis six ans de colonie pénitentiaire, affirmant que les informations relayées ne correspondaient pas à la position officielle du ministère de la Défense, qu’elles pouvaient provoquer chez les lecteurs de la « peur et de l’anxiété », et qu’elles « discréditaient les autorités ».

Le 26 février, le tribunal du district Krasnoflotski de Khabarovsk a requalifié les charges en les allégeant, supprimant le motif de haine, et a condamné Mingazov à une amende de 700 000 roubles (soit 31,2 fois le salaire minimum). Le tribunal a également levé son assignation à résidence et l’a remis en liberté sous engagement de ne pas quitter la ville.

La critique de cinéma Ekaterina Barabach arrêtée pour quatre publications anti-guerre

Le 26 février, la critique de cinéma Ekaterina Barabach a été arrêtée à Moscou,  et accusée de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe motivée par la haine. En 2022 et 2023, elle avait publié quatre posts anti-guerre, dont l’un contenait ce message : « Salauds, vous dites vouloir une Ukraine amie, une Ukraine voisine et bienveillante. Et c’est pour ça que vous êtes venus sur une terre étrangère avec vos chars, vos blindés et vos futurs cadavres en uniforme et armés ? C’est pour ça que vous, ordures, avez bombardé le pays, rasé des villes entières, tué une centaine d’enfants, abattu sans raison des civils , assiégé Marioupol, privé des millions de personnes d’une vie normale et les avez forcées à fuir à l’étranger ? Tout ça pour l’amitié avec l’Ukraine ? »

Le juge a décidé de placer Ekaterina Barabach en détention à domicile.

Un habitant de Krasnodar condamné à deux ans de prison pour des commentaires sur les incendies de bureaux de recrutement

Nikolai Chatskikh, un habitant de Krasnodar (district fédéral du Sud) âgé de 48 ans, avait publié entre le 21 et le 25 septembre 2022 quatre commentaires dans un chat, dans lesquels il « justifiait le terrorisme et appelait à incendier les bureaux de recrutement militaire, les commissariats de police et à renverser l’ordre constitutionnel ».

Le parquet l’a qualifié « d’opposant à l’opération militaire spéciale ».

Le 25 février, le tribunal militaire du district Sud l’a condamné à deux ans de colonie pénitentiaire à régime général pour appels publics à des actes terroristes, assortis d’une interdiction de gérer des sites internet ou des comptes sur les réseaux sociaux pendant trois ans.

Amende pour avoir déposé des fleurs avec un ruban jaune et bleu

Le 24 février, Guéorgui Mirichkine, originaire de Saint-Pétersbourg, a déposé des fleurs au pied du monument du poète ukrainien Taras Chevtchenko. Les fleurs étaient attachées avec un ruban aux couleurs du drapeau ukrainien. La police l’a arrêté, l’accusant d’avoir « mené une action publique visant à discréditer l’emploi des forces armées russes dans les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk ».

Le tribunal a reconnu Guéorgui Mirichkine coupable et l’a condamné à une amende de 40 000 roubles (soit 1,8 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie).

Un habitant de Tobolsk condamné à une amende de 30 000 roubles pour des commentaires condamnant la guerre en Ukraine

Iossif Manine, originaire de Tobolsk (district fédéral de l’Oural), avait écrit dans un commentaire sur VKontakte : « En réalité, toute cette histoire de guerre, de meurtres de civils, de destruction de villes paisibles, etc., c’est une connerie complète. »

 Cela a valu à Iossif d’être condamné à une amende de 30 000 roubles (soit 1,3 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie) pour discrédit à l’encontre de l’armée russe.

Divers

Action au monument de Lesya Ukrainka

Photo : SOTAvision

Le 24 février, une habitante de Moscou, Galina Savvateeva, est venue déposer des fleurs au monument de Lesya Ukrainka en portant un t-shirt avec l’inscription : « 24.02.2022, un février qui dure des années. » Galina a été interpellée par les forces de sécurité et emmenée au commissariat Dorogomilovo, d’où elle a été relâchée quelques heures plus tard avec un « avertissement ». 

Lectures pacifistes au monument de Boulat Okoudjava à Moscou

Photo : capture d’écran d’une vidéo de SOTAvision.

Le 24 février, des lectures pacifistes de poésie ont eu lieu devant le monument de Boulat Okoudjava, à Moscou. L’une des militantes a récité un poème anti-guerre de Vladimir Maïakovski :

Slogans pro-ukrainiens sur des stands de propagande à Saint-Pétersbourg

Le 24 février, Ariadna Litvinova, ancienne étudiante d’une école de police à Moscou, a inscrit à la bombe de peinture noire les mots « assassins », « paix pour l’Ukraine » et « liberté pour les prisonniers politiques » sur les panneaux de l’exposition photo « Ensemble vers la victoire », près de la place du Palais à Saint-Pétersbourg.

Les forces de l’ordre ont interpellé Ariadna, dressé contre elle un procès-verbal pour « discrédit à l’encontre de l’armée », lui ont infligé une amende de 50 000 roubles (soit 2,2 fois l’équivalent du salaire minimum en Russie) et l’ont placée en détention provisoire (SIZO) dans le cadre d’une procédure pénale pour vandalisme.

Selon l’enquête, Ariadna Litivinova a causé des dommages s’élevant à plus de 135 000 roubles.


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.