Batailles mémorielles à l’international
La défense de l’ordre mondial hérité de la Seconde guerre mondiale apparaît aujourd’hui comme une priorité pour la diplomatie russe qui résiste avec virulence aux tentatives de redéfinir le rôle de l’URSS dans la guerre pour la présenter comme agresseur aux côtés d’Hitler en 1939 et comme occupant de l’Europe de l’Est à partir de 1944. Ces batailles qui ne sont pas nouvelles se sont durcies dans les années 2010 entre autres sous l’effet du conflit russo-ukrainien qui avait provoqué à la fois un raidissement idéologique à l’intérieur de la Russie et la détérioration de ses relations avec l’Europe.
Plusieurs discordes mémorielles opposent la Russie, qui assume voire revendique l’héritage soviétique, aux pays post-communistes depuis les années 1990. Récemment leurs dissensions se sont avivées à la suite de l’adoption, le 19 septembre 2019, d’une résolution du Parlement européen « Sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe », qui met sur le même plan les deux « régimes totalitaires », l’Union soviétique et l’Allemagne nazie. Comparaison inconcevable pour l’opinion publique russe, cette résolution a suscité des réactions ulcérées de Moscou, dont plusieurs prises de parole de V. Poutine .
Dans sa défense de la vision russe de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, le Kremlin associe deux types d’arguments : ceux forgés à l’époque soviétique, comme l’évocation des responsabilités européennes dans le déclenchement du conflit, symbolisées par Munich, ou la justification du pacte Molotov-Ribbentrop par l’isolement soviétique, voulu par l’Occident, et la nécessité de gagner du temps face à l’attaque nazie ; des arguments nouveaux, tels que la référence à la Shoah pour rappeler le rôle de l’Armée rouge comme armée libératrice et pour discréditer ses adversaires à l’Est de l’Europe, en pointant leurs ambiguïtés face à cette mémoire.
Ainsi, en reprenant à son compte les modèles dominants du paysage mémoriel occidental et en exploitant les failles de ses voisins est-européens, la Russie se pose en défenseure de l’histoire européenne et universelle face aux réécritures et au négationnisme.
Emilia Koustova
[…] de la Seconde Guerre mondiale a de nombreuses conséquences sur le travail historique et dans les relations internationales. Parmi les premières figure la réduction des champs du possible quant à la recherche […]