Belarus : Défendre les défenseurs des droits humains.

Belarus : Défendre les défenseurs des droits humains.

Déclaration conjointe de Memorial International et de très nombreuses ONG russes du 19 juillet 2021

Depuis plusieurs semaines, et ces tout derniers jours, la répression politique au Belarus, qui était déjà d’une ampleur jusque-là inégalée, est entrée dans une nouvelle phase, avec de nouvelles modalités. Une offensive sans précédent a été lancée contre les medias indépendants (dont Belsat, « Radio Svoboda », « Nacha Niva », « Silnye Novosti ») et contre les organisations de la société civile, et en tout premier lieu contre les organisations de défense des droits de l’homme (« Viasna », Human Constanta, Comité Helsinki biélorusse, Association biélorusse des journalistes, entre autres). Du 14 au 16 juillet ont eu lieu plus d’une centaine de perquisitions dans les bureaux de ces organisations et aux domiciles de leurs collaborateurs, ou de militants ; des dizaines d’arrestations ont été opérées. Le coup le plus dur a été porté contre « Viasna » : ont été placés en détention provisoire les militants de la défense des droits humains Ales Bialiatski, Valiantin Stefanovic, de Vladimir et Nina Labkovic.


Depuis plus d’un quart de siècle, le régime d’Alexandre Loukachenko foule aux pieds les droits et les libertés des citoyens du Belarus. Cependant, après que l’été dernier les citoyens se soient prononcés, aux élections, contre le régime au pouvoir, et qu’ils aient ensuite manifesté massivement, dans l’espace public, pour protester contre la falsification du résultat de ces élections, les actions criminelles du pouvoir ont pris de nouvelles dimensions, elles ont changé de caractère, et la répression est devenue une répression de masse. En un an ont été pratiquement anéanties au Belarus la liberté d’association, la liberté de réunion, la liberté d’expression des opinions. La liste des prisonniers politiques du Belarus identifiés compte déjà plus de cinq cents personnes. Mais, selon les informations recueillies par les défenseurs des droits biélorusses, « aujourd’hui ce sont au moins 1 500 personnes qui sont détenues, et des milliers d’hommes et de femmes qui font l’objet de poursuites judiciaires, sous des accusations dont la motivation est politique. En un an, depuis août 2020 jusqu’à aujourd’hui, ce sont près de 40 000 personnes qui ont été arrêtées et soumises à de graves violences policières ». Une législation draconienne, et la pratique de son application, mettent hors la loi toute expression d’un désaccord avec le pouvoir, et toute activité militante citoyenne. Contre les activistes de la société civile, contre les défenseurs des droits de l’homme, contre les journalistes, contre les avocats sont intentées massivement des poursuites pénales, au premier chef sous les accusations « d’organisation de désordres de masse », de « graves violations de l’ordre public », et autres actions criminelles « extrémistes », voire « terroristes ». Ces accusations, venant d’un pouvoir illégitime, ne constituent qu’un instrument de représailles, et n’ont rien à voir avec le droit.

Le but de cette nouvelle attaque contre les medias et contre les défenseurs des droits humains est double : d’un côté, c’est de porter un coup d’arrêt à la diffusion des informations sur ces crimes du régime, en liquidant les derniers restes de la liberté de parole ; de l’autre, c’est de « nettoyer » le réseau de défense des droits humains, et de priver les victimes des crimes du régime de toute possibilité d’assistance juridique. C’est en cela que réside le danger spécifique de la dernière vague de répression.

Le pouvoir russe partage la responsabilité des crimes commis contre le peuple du Belarus. Le mépris total par le régime de Loukachenko des droits humains et de ses obligations internationales ne serait pas possible sans le soutien actif – sur les plans de l’économie, de l’information, de la diplomatie et de la coopération policière – apporté par la Russie, liée à la Biélorussie par toute une série d’accords internationaux (dont l’Organisation du Traité de Sécurité Collective) et même par une théorique « Union Supranationale ».


La société civile n’est pas séparée par des frontières. Ales Bialiatski était venu à Moscou et à Grozny pour les procès des défenseurs des droits humains Oleg Orlov et Oyoub Titiev. Aujourd’hui nous, militants russes de la défense des droits de l’homme, nous exprimons notre solidarité avec nos camarades du Belarus.

Nous exigeons leur libération immédiate et inconditionnelle.

Nous exigeons du pouvoir russe qu’il cesse d’apporter son soutien à la violation systématique des droits de l’homme en Biélorussie.

Nous appelons les gouvernements étrangers et les organisations internationales à mettre en œuvre tous les efforts possibles pour obtenir la libération des militants de la défense des droits de l’homme biélorusses et de tous les détenus politiques au Belarus.

Signataires

  • Centre de Défense des Droits humains « Memorial »
  • Centre d’information et d’analyse « Sova »
  • Comité contre la torture
  • Comité « Coopération citoyenne »
  • Centre de Coopération pour la protection juridique internationale
  • Association Internationale d’histoire et d’éducation, de secours et de défense des droits «  Memorial »

  • Leonide Agafonov, projet de défense des droits de l’homme « Femme, prison, société ».
  • Olga Alexeïeva, militante de la défense des droits de l’homme
  • Boris Altchouler, Président du Comité Directeur de l’Organisation régionale « Les droits de l’enfant », membre du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Galina Arapova, Centre de défense des droits des medias
  • Svetlana Astrakhantseva, Directrice exécutive du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Viatcheslav Bakhmine, co-président du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Valeri Borchtchev, co-président du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Ilya Chablinski, membre du  Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Elena Chakhova, Présidente de l’Association « Contrôle citoyen » de Saint Pétersbourg
  • Youri Djibladze, Centre pour le développement de la démocratie et des droits de l’homme
  • Grigori Dournovo, OVD-Info
  • Natalia Evdokimova, Conseil de défense des droits de l’homme de Saint Pétersbourg 
  • Svetlana Gannouchkina, Présidente du Comité « Coopération citoyenne », Membre du conseil du Centre « Memorial », Membre du comité de direction de l’Association « Memorial international »
  • Alexeï Golovane, Directeur du Centre « Destins communs », membre du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Andreï Kalikh, militant de la défense des droits de l’homme
  • Sviatoslav Khromenkov, Président de l’association « Sibérie sans tortures »
  • Youri Kostanov, membre du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Maria Kravtchenko, collaboratrice du Centre « Sova »
  • Evguenia Litvinova, Conseil de défense des droits de l’homme de Saint Pétersbourg
  • Sergueï Loukachevski, Directeur exécutif du Centre Sakharov
  • Dmitri Makarov, membre du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Asmik Novikova, Directrice des programmes de recherche de la Fondation « Verdict social »
  • Oleg Orlov, membre du Conseil du Centre « Memorial », membre du Comité de direction de l’Association «  Memorial international », membre du Comité de direction de la Fondation « Verdict social »
  • Inga Pagava, Fondation « Verdict social »
  • Anatoli Papp, collaborateur de la Fondation « Verdict social »
  • Oxana Paramonova, Présidente de l’organisation « Les mères des soldats » de Saint Pétersbourg
  • Alexander Petrov, membre du Groupe d’Helsinki de Moscou
  • Ella Poliakova, militante de la défense des droits de l’homme
  • Yan Ratchinski, Président du comité de direction de « Memorial International »
  • Natalia Taoubina, Directrice de la Fondation « Verdict social »
  • Valentina Tcherevatenko, Présidente du Conseil de la Fondation « Les femmes du Don »
  • Alexander Tcherkassov, Président du conseil du Centre « Memorial »
  • Alexander Verkhovski, directeur du Centre d’information et d’analyse « Sova »
  • Svetlana Yablonskaya, psychologue des situations de crise, Directrice des programmes psychologiques de la Fondation « Verdict social »
  • Natalia Youdina, collaboratrice du Centre « Sova ».

Source: https://www.memo.ru/ru-ru/memorial/departments/intermemorial/news/593 – © image « Nasha Niva »