Nouvelle vague de persécutions contre Memorial

Nouvelle vague de persécutions contre Memorial

Aujourd’hui, Memorial a fait l’objet d’une nouvelle vague de persécution. Résumé de la journée.


Comment sont justifiées ces perquisitions ?Le 21 mars au matin, des perquisitions ont été effectuées à Moscou chez des membres du personnel de Memorial et des membres de leur famille. Les perquisitions ont été effectuées par le comité d’enquête sur la base d’un mandat de l’enquêteur chargée d’une enquête pour « réhabilitation du nazisme » (paragraphe c, partie 2, article 354.1 du code pénal russe). Des agents du Centre E étaient présents lors des perquisitions.
L’enquête a été ouverte le 3 mars 2023 à l’encontre d' »employés non identifiés » de Memorial. Le motif est la présence dans la base de données des victimes du terrorisme politique de trois noms problématiques, alors que base qui compte plus de trois millions d’entrées.
Deux d’entre eux figurent dans le Livre de la mémoire de la République du Tatarstan, qui a été compilé sous la direction des autorités de la République, de la direction du FSB local, du ministère de l’intérieur, du bureau du procureur, de la Cour suprême du Tatarstan et d’autres. Il s’agit de Pyotr Dvoinykh et Pyotr Dolzhenkov.

Page de titre du Livre de la Mémoire du Tatarstan avec indication du comité de rédaction

À la fin de l’année 2021, les vétérans russes ont déjà déposé une plainte auprès du bureau du procureur général parce que Dvoinykh figurait dans la base de données. La base de données de Memorial intègre les données de milliers de livres, qui sont constitués pendant de nombreuses années. Or, le bureau du procureur a refusé de réhabiliter Dvoinykh et Dolzhenkov après la publication du livre dans lequel ils sont mentionnés. Dans le même temps, Memorial ne dispose d’aucune information sur les faits pour lesquels Dolzhenkov et Dvoinykh ont été condamnés. Le rapport du bureau du procureur ne contient que le numéro de l’article en vertu duquel ils ont été inculpés.

Memorial a demandé au FSB de lui fournir des informations sur l’affaire Dvoinykh au début de l’année 2022, mais n’a pas reçu de réponse.
Le troisième homme, Rudolf Neimiller, d’origine allemande, est répertorié par Memorial comme un « colon spécial » qui avait été déporté de la région d’Odessa dans le cadre de l’une des opérations nationales. Il a été condamné en 1954 pour avoir travaillé comme policier pendant l’occupation nazie. Les deux accusations ne sont pas liées : Naimiller est répertorié sur base.memo.ru comme une victime d’une opération nationale, et non comme un criminel de guerre. Memorial ne dispose d’aucun document attestant qu’il ait commis des crimes de guerre par la suite et ne peut donc se prononcer sur cette question.

Comment se sont déroulées les perquisitions ?

Les forces de sécurité se sont rendues au domicile de :
– Jan Raczynski, président du conseil d’administration International Memorial (liquidée par les autorités russes) ;- Oleg Orlov, co-président du Comité de défense des droits de l’Homme de Memorial ;- Alexandra Polivanova- La mère d’Alexandra Polivanova ;- Nikita Petrov ;- Galina Jordanovskaya ;- Alena Kozlova ;- Irina Ostrovskaya ;- Aleksandr Guryanov.

Les forces de l’ordre préparent la perquisition des locaux de Memorial

Au cours des perquisitions, des ordinateurs, des téléphones, des clés USB, des documents et des objets portant le logo du Mémorial (tels qu’un calendrier et un masque ) ont été saisis.

Source SOTAvision

Des perquisitions ont également eu lieu dans le bâtiment de Memorial sur Karetniy Riad et dans les locaux de Memorial Moscou sur le Maliy Karetniy Pereulok, où les agents de sécurité ont utilisé une meuleuse, une masse et un pied de biche. Ils ont sorti des cartons des locaux de Memorial Moscou et les ont chargés dans une voiture.


Dans plusieurs cas les personnes incriminées n’ont pas été autorisées à se faire assister d’un avocat pendant la perquisition. Alexandra Markova, l’avocate d’Alexandre Guryanov, a par exemple, déclaré : « Ils ne m’ont pas laissée assister à la perquisition de l’appartement de Guryanov, bien que je sois entrée dans l’appartement et que j’aie immédiatement présenté un mandat et une pièce d’identité. Les policiers m’ont fait remarquer qu’ils avaient reçu l’ordre de ne pas me laisser entrer. J’ai contesté cette interdiction en me référant au code de procédure pénale et nous avons discuté pendant une vingtaine de minutes, sans résultat, bien que j’aie réussi à apercevoir l’accusé et à lui dire ce qu’il fallait inscrire dans le procès-verbal. » La porte a ensuite été claquée devant l’avocate, qui est restée dans le hall d’entrée. Mme Markova a appelé le bureau du procureur. On lui a dit que l’officier chargé des perquisitions « ne peut pouvait aider aujourd’hui ».

Au cours des interrogatoires qui ont suivi les perquisitions, les agents des forces de l’ordre ont posé des questions sur la base de données des victimes de la répression politique – comment elle est constituée, d’où viennent les sources et comment les informations sont vérifiées. Lorsqu’Alexandra Polivanova a demandé une copie du rapport d’interrogatoire, on lui a répondu : « Voulez-vous passer du statut de témoin à celui d’inculpée ? Dans ce cas nous vous en donnerons une copie ». Selon le personnel du comité d’enquête, les effets personnels et l’équipement confisqués seront restitués au plus tôt dans 2 ou 3 mois.

Après les perquisitions, la plupart des personnes ont été emmenées d’abord au département de police du district de Tverskoi, puis au comité d’enquête du district de Tverskoi pour y être interrogées. La mère d’Aleksandra Polivanova, Alena Kozlova, et Nikita Petrov n’ont pas été emmenés, ce dernier car il n’était pas à Moscou. La perquisition de l’appartement de Nikita Petrov s’est déroulée en présence de son épouse.
Après l’interrogatoire, Aleksandra Polivanova, Galina Iordanskaya, Irina Ostrovskaya, Aleksandr Guryanov, Ian Raczynski et Oleg Orlov ont été libérés en tant que témoins.

« Je suis absolument scandalisée par le fait que, dans le cadre de la perquisition, on ne m’ait pas remis une copie du rapport, alors qu’on m’avait dit que je pourrais l’obtenir plus tard auprès de l’enquêteur. Je ne peux qualifier la réaction de l’enquêtrice à ma demande de copie du rapport autrement qu’en se moquant de moi et de mon droit – [elle a dit] que j’avais un tel droit, mais que l’enquêtrice ne pouvait pas l’exercer », a commenté Oleg Orlov après avoir quitté le Comité d’enquête.

De nombreux avocats et leurs détendeurs ont été privés de leurs droits en vertu d’un engagement de non-divulgation. 

Une enquête a également été diligentée contre Oleg Orlov


On a également appris que le Comité d’enquête avait ouvert une procédure pénale contre Oleg Orlov, coprésident du Centre de défense des droits de l’homme Memorial, pour avoir discrédité l’armée russe à plusieurs reprises (partie 1, article 280.3 du code pénal russe). Il est actuellement libre mais est sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire.

Auparavant, Orlov avait été poursuivi à deux reprises pour des piquets anti-guerre en vertu de l’article 20.3.3 du code des infractions administratives, pour avoir jeté le discrédit sur l’armée.

Oleg Orlov

La décision relative à sa mise en accusation mentionne un post Facebook daté du 14 novembre 2022. Il s’agit d’une traduction russe de l’article « Ils voulaient le fascisme – ils l’ont eu » publié dans le media en ligne français Mediapart. L’article fait référence à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine.
« La guerre sanglante déclenchée par le régime de Poutine en Ukraine n’est pas seulement le meurtre de masse de personnes, la destruction des infrastructures, de l’économie et des installations culturelles de ce merveilleux pays. Ce n’est pas seulement la destruction des fondements du droit international. C’est aussi un coup dur porté à l’avenir de la Russie. Le pays, qui s’est éloigné il y a trente ans du totalitarisme communiste, est retombé dans le totalitarisme, et maintenant dans le totalitarisme fasciste », peut-on lire dans l’article.

Dans sa décision, l’enquêteur se réfère aux résultats d’une étude menée par le Centre d’expertise criminalistique (EKTs) du département principal du ministère de l’intérieur à Moscou. Selon le certificat de l’EKTs daté du 9 décembre 2022, la publication d’Orlov caractérise les actions des forces armées russes comme :- liées au génocide, à l’assassinat de personnes, à la destruction d’infrastructures, à la destruction de l’économie ;- dirigées contre l’ordre constitutionnel existant ou perturbant l’ordre existant. 

Lors de son interrogatoire en tant que suspect, Oleg Orlov a déclaré dans le procès-verbal qu’il avait « publié son opinion personnelle sur les événements qui se déroulent dans la Fédération de Russie et dans le reste du monde ». Il a refusé de continuer à témoigner en vertu de l’article 51 de la Constitution, qui autorise à ne pas témoigner contre soi-même.