Après Memorial International, le Parquet russe s’attaque au Centre des droits humains Memorial

Après Memorial International, le Parquet russe s’attaque au Centre des droits humains Memorial

« Apologie de l’extrémisme et du terrorisme » : Le Parquet de Moscou a trouvé des motifs supplémentaires pour demander la fermeture du Centre de défense des droits humains Mémorial.

12.11.2021 / source : https://memohrc.org/ru/news_old/opravdanie-ekstremizma-i-terrorizma-mosgorprokuratura-nashla-dopolnitelnye-osnovaniya-dlya


L’audience préliminaire du procès se tiendra le 23 novembre à 10h30.

Le 8 novembre, le Parquet de Moscou a déposé une plainte auprès du Tribunal de Moscou en vue d’obtenir la fermeture du Centre de défense des droits humains Mémorial. Aujourd’hui, Mémorial a reçu le texte complet du document. Il en ressort qu’outre la « dissimulation d’informations relatives à la fonction d’agent étranger », les publications Centre de défense des droits humains Mémorial contiendraient des éléments d’apologie de l’extrémisme et du terrorisme.   

L’audience préliminaire est prévue pour le 23 novembre à 10h30, sous la présidence du juge M. You. Kazakov. Lors de cette audience, la partie défenderesse, Mémorial, peut répondre à la plainte et présenter d’éventuelles requêtes. La date de l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée sur le fond doit en outre être fixée.

« A systématiquement violé la Convention relative aux droits de l’enfant »

Des onze pages de la plainte et des 180 pages d’annexe, il ressort que les inspections du ministère de la Justice, du Roskomnadzor [Service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’informations et des médias de masse] et du Parquet ont montré que « l’organisation [Mémorial] et son dirigeant se sont livrés à des activités comportant des infractions flagrantes et répétées à la Constitution de la Fédération de Russie et aux lois fédérales ». À savoir :

  • Mémorial a participé à des activités politiques et a reçu des financements étrangers, mais n’a pas présenté les documents permettant de l’inscrire au registre des ONG faisant fonction d’agents étrangers. Le 30 avril 2013, le dirigeant de l’organisation a été notifié que cela constituait une infraction à la loi. Le 21 avril 2014, l’organisation a, sur décision du ministère de la Justice, été inscrite au registre [des ONG faisant fonction d’agents étrangers] ;
  • Mémorial a enfreint à plusieurs reprises les exigences de du paragraphe 1 de l’article 24 de la Loi [sur les organisations non commerciales] no 7-FZ. On parle ici de l’absence du label « agent étranger » sur les médias sociaux de l’organisation, infraction pour laquelle elle a été mise huit fois à l’amende : la page Facebook du bureau ingouche de Mémorial ; la page VKontakte de l’organisation ; le compte Twitter de l’organisation ; le projet spécial de Mémorial sur le recensement prophylactique illégal (recensement censé identifier les « extrémistes religieux ») au Daghestan. Pour chaque page, les tribunaux de Moscou ont infligé des amendes à l’entité juridique (300 000 roubles) et au président de l’organisation (100 000 roubles) ;
  • Ces occurrences montrent que l’organisation manifeste, dans ses activités, un mépris constant pour la loi, ne respecte pas la transparence de ses activités et refuse de se soumettre au contrôle de la société, en violation flagrante des droits des citoyens, notamment du droit des citoyens à disposer d’une information fiable sur ses activités.

Le procureur de Moscou, D. G. Popov, qui a apposé sa signature sous la plainte adressée au Tribunal de Moscou, affirme que Mémorial a systématiquement dissimulé des informations relatives à son activité d’agent étranger, violant ainsi non seulement la Loi sur les associations publiques no 82-FZ, la Loi sur les organisations non commerciales no 7-FZ, mais aussi la Constitution de la Fédération de Russie, la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi que la Convention relative aux droits de l’enfant. Les mêmes motifs étaient invoqués dans l’action en liquidation intentée auprès de la Cour suprême contre Mémorial International, au nom du Parquet fédéral. 

Le procureur D. G. Popov rappelle qu’une notification et quatre avertissements ont été émis à l’encontre de Mémorial pour voir omis de publier ses rapports d’activité sur le portail d’information du ministère de la Justice pour la période 2015-2020. 

Outre les griefs portés à l’encontre de Mémorial International, il y a d’autres motifs pour demander la fermeture du Centre.

Il est précisé que les publications de Mémorial contiendraient « des éléments linguistiques et psychologiques justifiant les activités des membres des organisations terroristes et extrémistes internationales Hizb ut-Tahrir al-Islami, Tablighi Jammat, Takfir wal Hijra, ainsi que des organisations extrémistes Artpodgotovka et Témoins de Jéhovah ».

Il est ici question de la liste des prisonniers politiques, tenue à jour depuis 2008 par le programme de soutien aux prisonniers politiques du Centre Mémorial, ainsi que des renseignements individuels collectés par Mémorial. « Les auteurs des documents en question présentent les activités de ces organisations comme légitimes et admissibles et la participation à leurs activités comme une façon d’exercer son droit à la liberté de conscience… L’objectif de ces documents est d’inculquer, chez un nombre indéfini de personnes, l’idée que les activités terroristes et extrémistes sont acceptables, en particulier les activités des organisations terroristes et extrémistes internationales, de même que l’appartenance à celles-ci » – est-il dit dans la plainte.  

Ces conclusions ont été établies sur la base d’une étude psycholinguistique réalisée par le Centre d’expertise socio-culturelle.

Nous faisons tout comme il faut

Ces affirmations sont absurdes.

Nous sommes accusés de ne pas respecter les exigences d’une « loi » qui, dès le départ, a été formulée de manière très vague et interprétée de manière large et arbitraire. Les exigences imposées aux ONG se sont étendues au fil des ans. Jusqu’en 2019, ni le ministère de la Justice ni le Roskomnadzor n’exigeaient que les « agents étrangers » marquent leurs médias sociaux. Mais en 2019 ils ont soudainement commencé à l’exiger. Peut-on fermer une organisation pour ne pas avoir respecté des exigences qui ne lui ont jamais été présentées ?  

Mémorial International n’a pas de problème avec la publication de ses rapports d’activités. Mais l’organisation est, elle aussi, appelée à être fermée. Le résultat de toutes ces lois répressives est évident.

L’accusation d’« apologie du terrorisme et de l’extrémisme » ne semble pas moins étrange. Tous les documents [de Mémorial] demandant la reconnaissance de prisonniers politiques contiennent un avertissement par lequel nous disons qu’une telle reconnaissance ne signifie pas que nous sommes d’accord avec les opinions et les déclarations de la personne concernée, et encore moins que nous approuvons ses déclarations et ses actions.

Nous vous remercions tous pour votre soutien. L’attention que nous portent et portent à notre travail tant nos adversaires que nos partisans signifie, à ce qu’il nous semble, que nous faisons tout comme il faut.

1 Comment

  1. […] Le 12, c’est le Centre des droits humains Memorial, formellement une autre entité juridique, dont le Parquet de Moscou demande la dissolution, à la fois pour avoir soi-disant enfreint la loi sur les « agents étrangers », mais aussi parce que les autorités prétendent avoir détecté dans les publication du CDH des éléments relevant de « Apologie de l’extrémisme et du terrorisme ».  […]

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