Chroniques de la Russie qui proteste // 12 – 18 mai 2025

Chroniques de la Russie qui proteste // 12 – 18 mai 2025

En Russie, depuis le début de la guerre en Ukraine, la société est profondément divisée face à l’agression des troupes russes. Alors que certains soutiennent fermement les actions du gouvernement, d’autres manifestent courageusement leur opposition à la guerre et à l’intervention militaire russe dans les affaires ukrainiennes.

Ce projet de publication a pour objectif de documenter ces protestations en publiant des chroniques hebdomadaires en utilisant les réseaux sociaux comme source principale d’information. Nous espérons offrir un aperçu de la dynamique interne de la société russe en temps de guerre, en mettant en lumière les voix et les moyens d’expression de ceux qui se dressent contre la politique étrangère de leur gouvernement.


La ville s’exprime

Vladivostok (District fédéral d’Extrême-Orient)

Le ruban vert est un symbole de l’opposition à la guerre.

Source : https://t.me/zelenayalenta/7503 

 Saint Pétersbourg (District fédéral du Nord-Ouest)

Photos : archives personnelles d’une militante.

Piquets de protestation solitaire et manifestations

À Novossibirsk, piquets de soutien à Alexeï Gorinov et Maria Ponomarenko

Elena Tardassova-Youn et Vassili Semeniouk, militants de Novossibirsk (district fédéral de Sibérie), ont mené une action lors du « samedi de protestation » pour la libération de deux prisonniers politiques : Alexeï Gorinov et Maria Ponomarenko.

Alexeï Gorinov est un député municipal condamné à sept ans de prison pour avoir tenu des propos contre la guerre. Il est la première personne à avoir été condamnée à une peine de prison réelle pour diffusion de « fausses informations ».

Maria Ponomarenko est une journaliste du média RusNews, condamnée à six ans de prison pour « fausses informations », en raison d’un message publié sur sa chaîne Telegram. Ce message était consacré au bombardement du théâtre dramatique de Marioupol par les forces aériennes russes, attaque ayant causé la mort de plus de 300 civils (la tragédie a eu lieu le 16 mars). 

Récemment,  le prisonnier politique Alexeï Gorinov a été diagnostiqué tuberculeux pendant un transfert. La militante Tardassova-Youn, qui avait déjà elle-même été incarcérée deux mois dans un centre de détention provisoire à Novossibirsk, a commenté son action en soutien à Gorinov :
« Il n’y a pas d’aide, pas de médicaments. S’il n’y a pas de parents ou de proches capables de faire parvenir les médicaments, alors personne ne les soigne. »

Source : https://t.me/activatica/51981

Déprédations et sabotages

Attaque de l’infrastructure ferroviaire dans la région de Smolensk 

Les résistants du groupe « ATESH » [NdlR : groupe de résistance à l’occupation russe, actif en Crimée et en Ukraine occupées] ont publié sur leur chaîne Telegram une vidéo dans laquelle on les voit incendier une armoire de relais, équipement qui assure le fonctionnement du trafic ferroviaire sur une ligne utilisée pour le transport d’armes et de matériel militaire à destination de l’armée russe.

« Nous savons que chaque jour d’entrave à la logistique rapproche le moment de notre victoire », ont déclaré les membres du mouvement de résistance, qui a déjà revendiqué plusieurs sabotages similaires.

Source : https://t.me/activatica/51943

Poursuites

Incendie d’une locomotive électrique : des lycéens condamnés à 6 et 9 ans de prison 

Deux lycéens de Vologda ont été reconnus coupables par le 1er tribunal militaire du district occidental de Saint-Pétersbourg pour avoir incendié une locomotive électrique en août 2024. Pavel Khazov, 16 ans, également accusé de l’incendie d’une antenne-relais de l’opérateur T2, a été condamné à 9 ans de colonie pénitentiaire. Kosmos Nevolaïnen, 17 ans, a écopé de 6 ans.

Le tribunal a également ordonné aux deux adolescents de verser environ 24 millions de roubles (soit 1 070 fois le SMIC russe) à la compagnie ferroviaire RJD, et Khazov devra payer 161 000 roubles  (soit 7,1 fois le SMIC russe) supplémentaires à l’opérateur t2 pour l’incendie de l’antenne.
Le juge a conclu le verdict par ces mots : « J’espère que, pour vous, Khazov et Nevolaïnen, ce sera une leçon.»

Source : https://zona.media/news/2025/05/12/babaevo

Une survivante du blocus de Leningrad, ayant tenu un piquet de protestation solitaire, visée par un nouveau procès

à Saint-Pétersbourg (district fédéral Nord-Ouest), un nouveau procès-verbal pour « discrédit » à l’encontre de l’armée russe  a été ouvert contre Lioudmila Vassilieva, une survivante du blocus de Leningrad , en raison du piquet  de protestation solitaire qu’elle a tenu devant le Gostiny Dvor, le 24 février 2025.
Un premier procès-verbal contre elle avait été dressé en avril, mais le tribunal du district Kouïbychevski ne l’avait pas accepté en raison d’erreurs dans le document, renvoyant ainsi le dossier à la police. Cette fois, le tribunal a accepté d’examiner le nouveau protocole et fixé une audience au 23 mai.


Source : https://t.me/paperpaper_ru/58267

Condamnation pour coopération avec le « Corps des Volontaires Russes » (@russianvolcorps)

Le 2ᵉ tribunal militaire du district occidental a reconnu un habitant de Belgorod (District fédéral central), Iouri Iarochenko, âgé de 48 ans, coupable de tentative de haute trahison, de sabotage et de participation à une organisation terroriste. Il a été condamné à 16 ans de prison et à une amende de 100 000 roubles russes (soit 4,5 fois le salaire minimum russe).

Selon l’enquête, il avait transmis à un « dirigeant » du Corps des volontaires russes des informations sur le déploiement de l’armée russe, planifié de faire exploser une grenade dans une zone de concentration de militaires russes, ainsi que d’empoisonner des denrées alimentaires destinées aux soldats russes envoyés en Ukraine.
Source:https://activatica.org/content/fb158173-3132-445d-ab89-86a313a45adb/belgorodca-prigovorili-k-16-godam-za-gosizmenu 

Condamnation d’un habitant d’Elektrostal à 13 ans de prison pour une inscription anti-guerre mentionnant les pertes de l’armée russe

Le 15 mai, le 2ᵉ tribunal militaire du district occidental a condamné Sergueï Vessélov, un habitant de la région de Moscou (District fédéral central), à 13 ans de prison pour avoir inscrit à un arrêt de bus la phrase suivante : « Les pertes de l’armée russe sont d’environ 500 000 morts », prétendument sur instruction d’un coordinateur de la Légion Liberté de la Russie.
Il a été reconnu coupable de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe, de participation à une organisation terroriste et de vandalisme motivé par la haine politique. Le tribunal l’a condamné à 3 ans de détention en colonie pénitentiaire à régime sévère.

Source : https://t.me/mediazzzona/21436  

10 ans de prison pour l’incendie d’une armoire de relais

Début 2024, en raison de difficultés financières, Sergueï Kondakov, un habitant de Novossibirsk (District fédéral sibérien), avait incendié une armoire de relais sur le tronçon entre les gares d’Inia-Vostochnaya et de Mochichtché, en banlieue de Novossibirsk.
Le 12 mai, le tribunal régional de Novossibirsk l’a reconnu coupable et l’a condamné à 10 ans de prison.  Selon le jugement rendu, il devra également indemniser les dommages causés par l’incendie, estimés à 575 000 roubles russes (soit 25,6 fois le SMIC russe).

Source : https://zona.media/news/2025/05/12/kondakov 

Peine doublée pour avoir transféré 500 roubles au Corps des Volontaires Russes 

  Un habitant d’Oulan-Oude, Alexeï Badmaïev, âgé de 21 ans, avait déjà été condamné pour un commentaire de soutien au Corps des Volontaires Russes sur les réseaux sociaux et pour un virement de 500 roubles. La cour d’appel du tribunal de Moscou a alourdi sa peine.
Le réexamen de la peine avait été demandé par le parquet, dont l’exigence a été satisfaite. Selon la décision du tribunal, la peine a été doublée, passant ainsi de 7 à 14 ans d’emprisonnement.

Source : https://t.me/horizontal_russia/46433 

Deux enquêtes criminelles contre un étudiant pour des graffitis sur Poutine

Un habitant de la République de Mari El (District fédéral de la Volga), Dmitri Toktarov, âgé de 23 ans, avait peint plusieurs inscriptions anti-guerre à propos de Poutine, en 2024. Il avait réalisé trois graffitis en Tchouvachie et dans deux localités de  Mari El :

  • « Poutine est un con. Non à la guerre ! »
  • « Poutine est un meurtrier ! » (en langue mari)
  • « La Russie sans Poutine »

Il avait été interpellé en novembre 2024, mais avait été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le pays. Deux affaires pénales ont été ouvertes à son encontre pour ces actes.

L’affaire concernant les deux premières inscriptions — « Poutine est un bâtard. Non à la guerre ! » (avec une lettre Z barrée) et « Poutine est un meurtrier ! » — a déjà été transmise à un juge de paix. Il sera jugé pour vandalisme motivé par la haine politique.
Concernant la troisième inscription, « La Russie sans Poutine », laissée sur une bannière de recrutement militaire contractuel à Tcheboksary, un enquêteur tchouvache a déjà  rédigé un acte d’accusation, mais l’affaire n’a pas encore été transmise au tribunal. Toktarov est poursuivi pour vandalisme.

Source : https://ovdinfo.media/1XY8C2v2 

Condamnation à 10 mois de travaux forcés pour une vidéo publiée sur VKontakte

Sergueï Krivosheïev, un habitant de la région de Voronej (District fédéral central) avait publié sur VKontakte une vidéo accompagnée d’un texte qui, selon l’expertise, contenait la « négation du fait que les forces armées russes sont employées pour protéger les intérêts de la Fédération de Russie et de ses citoyens, pour maintenir la paix et la sécurité ».

Le 6 mai, le tribunal du district de Kachira (région de Voronej) l’a condamné à 10 mois de travaux forcés pour « discrédit » à l’encontre de l’armée russe. Les informations relatives à cette condamnation n’ont été rendues publiques que le 17 mai.

Source : https://t.me/ovdinfolive/37735 

Amende pour avoir partagé un clip du groupe Nogou Svélo 

Viatcheslav Smirnov, habitant de Saint-Pétersbourg, avait été piégé et arrêté par le Service Fédéral de Sécurité en mars de cette année alors qu’il tentait de vendre en ligne une montre ancienne. Après « plusieurs semaines d’échanges » avec un « acheteur potentiel », ils avaient convenu d’une rencontre. Smirnov avait alors été interpellé, emmené au commissariat n° 25 du District de Primorsky, où son téléphone portable avait été saisi.
Les forces de l’ordre y avaient trouvé des photos avec l’inscription « Gloire à l’Ukraine », qu’elles avaient interprété comme le « salut officiel » de la légion Liberté pour la Russie, ainsi qu’un lien vers un clip du groupe Nogou Svélo.

Le 13 mai, le tribunal du District de Primorsky à Saint-Pétersbourg l’a condamné à une amende de 30 000 roubles russes pour « discrédit » à l’encontre de l’armée russe, en raison de la publication du clip de la chanson « Hymne des condamnés » du groupe musical Nogou Svélo.

Source : https://t.me/mediazzzona/21379 

Peine de  2 ans de prison avec sursis pour un commentaire sur VKontakte

Le 17 mai, Artiom Parfenov, âgé de 42 ans, habitant Naberejnye Tchelny (District fédéral de la Volga), a été condamné à deux ans de prison avec sursis par le tribunal de la ville (Tatarstan). Il avait publié dans le groupe VKontakte « Tchelny Vkurse », dédié aux nouvelles locales, le commentaire suivant :
« Eh bien, qu’elle y aille. Que les orques crèvent de faim et de froid et  qu’ils s’entretuent. »

Parfenov a  entièrement reconnu sa culpabilité et exprimé des remords, ce qui a permis un jugement en procédure simplifiée. Le tribunal lui a interdit d’administrer des sites, « chaînes, forums, communautés, discussions, groupes ou tout autre type d’interaction et de communication entre les utilisateurs sur les réseaux sociaux » pendant trois ans.

Source : https://t.me/mediazzzona/21490 


Le projet Chroniques de la Russie qui proteste est réalisé quasiment exclusivement par des bénévoles.

Ont en particulier participé à l’élaboration de la version française l’équipe de bénévoles de Mémorial France ainsi que des des étudiants en russe des universités de Strasbourg, Toulouse, Paris, Besançon, Grenoble, etc…
© Memorial / © Memorial France pour la version française.